
et si j’écrivais une fugue sans le savoir ?
LONDON PT. 1
> 8:50 PM
Mon verre en cristal rempli d’alcool, et je pense qu’à m’enfuir, encore, la destination a jamais vraiment compté, elle comptera jamais vraiment, je fuis mes pas sous la pluie, dans la neige qui se transforme en boue et la chaleur de tes doigts, je fuis les gens qui m’aiment et ceux qui pourraient apprendre à me connaître, et tous les miroirs du monde reflètent une étrangère, un étranger, parfois je me demande si je fuis vraiment, pour fuir faut faire partie de quelque chose, moi je m’assieds sur le côté et j’attends, comme à l’école quand j’étais nul en sport, parfois je me dis que je fuis pour qu’on m’arrête, qu’on me prenne dans ses bras et qu’on me dise de rester, c’est comme une course sans contact, une ligne d’arrivée qu’on franchit seul et sur laquelle on continue à pédaler, personne m’attend nulle part, pourquoi j’arrêterais.
J. m’a dit que même au bout du monde je serais toujours là, que la seule personne qu’on fuit jamais c’est soi-même, peu importe à quel point on essaie, qu’on a toujours une ombre et que l’ombre a toujours un corps, je crois que c’est pour ça que je t’aime, avec toi j’ai pas besoin de fuir, avec toi j’oublie que je suis là aussi, oui mais avec toi ça existe pas vraiment, ça a jamais existé et moi j’ai pas arrêté de courir, peut-être qu’on aurait pu dans un monde alternatif, mais dans ce monde je cours seul, et dans ce monde je dors seul, dans ce monde je pleure seul, et dans ce monde j’écris toujours des textes qui m’arrachent les mots du coeur, les jardins aux sentiers qui bifurquent borgésiens, est-ce que je t’aurais aimé autant sans ce chapitre sur les mondes alternatifs et les déterminismes, une nuit d’hiver à Montréal et j’ai pensé à toi, ni la première, ni la dernière, juste une déterminante. L’errance comme boussole, quand on sait pas où aller on tourne en rond, et tourner en rond c’est comme rentrer chez soi, des lieux qu’on connaît pas et qui deviennent familiers, qui aurait cru que Londres serait ma maison, je mentirais si je disais que je l’ai pas senti, je mentirais en disant que je l’ai pas nié. Je t’aime depuis 6 ans mais ça change rien, on a jamais été honnêtes, face à l’autre mais surtout face à nous-mêmes, toi tu t’es fui toi-même en devenant ton ombre. Ma fuite comme forme d’immobilité, et ton immobilité comme fuite, comme deux miroirs qui se confrontent jamais, parce que se confronter ça voudrait dire exister, je crois qu’on associe les limbes à la sécurité, comme une enveloppe, une brume ou un manteau, on existe dans les espaces entre le temps, et le temps entre les espaces, dans les points de suspensions et les décisions qu’on prend pas, ou qu’on a pas prises, ou qu’on a pris trop tard, et nos coeurs aveugles, nos yeux aveugles, l’errance nous protègera pas, les limbes nous protégerons pas, c’est comme un piège qui se referme doucement, une couverture de velours qui tuera par suffocation, parfois je me dis que je t’aime et souvent je réalise que je sais pas comment faire, et j’essaie et j’échoue, je crois que pour savoir aimer faut d’abord être aimé, tu sais les gens autour de moi ont essayé, je crois que je suis dur à aimer, c’est comme si j’avais jamais appris qu’à détruire, et quand les autres s’éloignent je me dis que je le savais, et dans ma tête mon âme soeur partirait pas, elle resterait toujours même si je la brisais, et dans ma tête ce jour là je pourrais pleurer, je pourrais craquer, je crois que je teste les gens parce que j’ai peur que ma peine les fasse fuir, j’ai pas peur qu’on rejette ma violence mes erreurs, j’ai peur que ma tristesse inonde le sol, submerge les autres, je crois pas que je puisse affronter ça.
> 6:15 PM
Précision chirurgicale dans ce que je maîtrise et le reste hors de contrôle, comme le pus qui suinte de mes French tips, et je me demande quel niveau de folie c’est, même moi j’en sais rien, c’est comme si le monde tenait dans un cadre blanc, et que ce cadre blanc voguait sur un radeau à la dérive dans une mer de sel noir, c’est comme une balance qui devrait pas marcher entre perfection et chaos, la perle baroque de l’huître et ses formes bizarres, la grâce d’un incendie et l’extase sur le fil du rasoir. Création, destruction, et tous les mots que j’utilise pour décrire ce que je comprends pas, c’est comme une boule dans la gorge que je devrais pas ressentir et je me sens coupable, j’ai toujours tout eu mais c’est jamais assez, et si tout s’écroulait ça me manquerait, ça me hanterait, comme un enfant ingrat dans une chambre pleine de jouets, l’amour de ta vie qui t’a trompé chaque fois, si tu savais comme je me déteste, et encore plus de pas savoir changer. Les images qui défilent, je sais qu’elles touchent ceux qui les lisent mais je sais pas si elles m’atteignent vraiment, c’est comme si j’avais toujours été ailleurs, que cet ailleurs était nulle part, la tête dans un non lieu et le corps en face des immeubles de Canary Wharf, ce chat de la fortune hypoactif qui fonctionne à l’énergie solaire sur le rebord de ma fenêtre, c’est pas vraiment sa faute, c’est pas comme s’il faisait beau, quand je suis énervé contre toi il me rappelle qu’on a pas le même rythme, qui aurait cru qu’un chat en plastique m’apprendrait l’empathie.
> 11:57 PM
Le coeur tellement étrange et le destin fonctionne enfin, c’est comme s’il voulait pas que je sois avec toi, ou peut-être que c’est plus facile de réussir quand on est pas rejeté, peut-être que tout le reste est plus simple, je pleure en souriant, les hommes Poissons m’ont appris à relativiser, je crois que c’est ce truc où vous me laissez pas rentrer pas partir, toujours sur le seuil et toujours trop d’espoir, c’est pas vraiment de l’espoir vous pouvez pas comprendre, c’est comme si j’attendais sur le seuil d’une maison dans la nuit, et que vos portes ouvertes donnaient sur des pièces éclairées, que les rues étaient éteintes et que j’avais peur de rentrer chez moi dans l’obscurité, alors on reste un peu plus longtemps, on espère un peu plus longtemps. Peut-être que je devrais faire demi-tour, paniquer laisser mes yeux s’habituer, peut-être qu’à force de vivre dans le noir j’y verrais plus clair, après tout j’ai jamais été qu’une ombre grise dans la nuit.
> 9:04 AM
Assis en tailleur sur mon lit et le stress des candidatures, être admis ou refusé ça sera jamais idéal loin de toi, oui mais j’ai pas le choix, mes messages qui s’adoucissent et mon coeur qui se durcit, non j’ai jamais voulu être traité comme ça, je devrais pas avoir si peur de te demander de lire mon projet de thèse, je devrais pas être si heureux quand t’acceptes, à force de se contenter du minimum on finit par être reconnaissant, les larmes aux yeux quand tu penses à me dire bonjour, quand tu me parles avant d’aller dormir, ces trois appels par an comme un cadeau exceptionnel, c’est pas assez mais j’aurais jamais plus, en tout cas pas venant de toi. Ton visage qui s’efface sous mes paupières, si je peux pas t’avoir c’est mieux de pas m’accrocher, les souvenirs à la dérive et je me laisse flotter, tout fait moins mal quand on devient passif, oui mais être passif c’est tuer ses émotions ses espoirs et moi j’en peux plus, si je peux pas t’avoir pourquoi persévérer, la gratitude que je ressens me fout la rage, est-ce que je mérite pas mieux, j’ai tout donné mais c’est jamais assez, mes erreurs surlignées et tatouées sur le corps, les tiennes j’ai pas le droit d’en parler, si je le fais tu pars, nos échanges sur un siège éjectable, mais y a que le mien qui saute. Et maintenant je fais quoi, je vais où, jusqu’à quand, je suis le méchant de ton histoire, toi tu m’as jamais laissé écrire la mienne, je crois que t’as peur que j’arrête de t’aimer, mes émotions en rollercoaster et tu sais que la colère c’est mieux que l’indifférence, quand on est en colère on pense encore à l’autre, je suis plus en colère, je veux juste avancer.
> 11:50 AM
Pourquoi je sais que fuir et en même temps comment rester en place dans la ville où tu me rejoindras pas, Londres comme espoir et puis Londres comme retour à la réalité, Londres comme chute et Londres comme rictus, le coeur en marshmallow distendu à l’extrême, c’est pas parce qu’il s’est pas fendu que l’étirement fait pas mal, un truc à la Procuste, je parle que de toi et le récit avance pas, dans ma tête je te dis ce que je pense, que je t’aime mais pas au point d’accepter ça, cette froideur dans la gorge je peux pas t’expliquer, c’est comme si j’avais enfin de l’égo, un truc que j’ai dû boire en pensant que c’était du lait et qui cimente dans mon corps, un truc rigide comme tes règles et ton refus des exceptions, jamais, même pas pour moi, surtout pas pour moi. Tes règles sont pas les miennes et les appliquer a jamais été juste, est-ce qu’on en a discuté, rien qu’une fois, des années passées à subir tes routines silencieuses, tes demi-tours violents et tes sautes d’humeur, on parle que des miennes mais ta rancoeur est une prison, souvent ta raideur me fait peur, comme un esprit qui peut vriller à tout moment.
C’est quoi, mes règles, j’ai jamais vraiment su, jamais vraiment eu le choix, et quand j’y pense la colère se transforme en lassitude. Comment on abandonne, comment on laisse derrière soi ceux qui veulent pas avancer avec nous, moi je voulais être docteur et chercheur, pas attendre qu’un homme dans un autre pays se connecte sur le créneau qu’il veut bien libérer, comme une réunion zoom dont on ignore l’heure exacte et qu’on attend en ligne toute la journée pour pas la rater, une carrière qu’on veut pas gâcher, un amour qu’on veut pas perdre. L’écart qui se creuse même quand on cherche à l’éviter, surtout quand on essaie, plus je me bats et plus je m’enfonce, plus je t’aime et plus je te perds, le corps dans des sables mouvants et l’esprit qui veut plus se battre, comment j’imaginais ma vie avec toi avant d’être près de toi, presque dans le même espace-temps malgré le décalage horaire, jamais littéralement près, les kilomètres te pèsent pas vraiment et je me demande si tu te souviens comment les choses paraissaient loin avant que tu voyages, t’étudies à Riga et que tu vives à Londres, à quel point quand on marche on sait qu’on est que dalle et qu’on peut s’effacer, que rien n’est éternel et surtout pas nos vies, j’imaginais des rires et de la neige, toi qui m’enlaces pendant que je travaille, danser dans des pubs et pieds nus dans la chambre, et toi qui m’encourage, toi qui m’accompagne et écoute mes conférences, toi à ma soutenance, l’eau chaude sur mes épaules et tes mains sur mes hanches, toi qui rit dans la nuit et me serre contre toi, j’imaginais que l’amour, c’était ce qu’on avait jamais eu et qu’on trouvait enfin, pas les patterns de nos parents, tristement prévisibles et tellement pathétiques, toi et moi on valait mieux que ça, et si tu le vois pas peut-être que je devrais partir, couper les ponts avant qu’ils coulent sous le poids de nos égos, de nos erreurs et notre self-sabotage.
> 1:57 PM
Bethnal Green et ce café sous l’overground, le sol qui tremble et la musique en 8D, les documents de candidature éparpillés sous la table et mon chocolat chaud au piment que j’ai bu qu’à moitié, qui est déjà froid, une énième lettre de motivation et c’est dur d’y mettre du coeur, c’est dur d’y croire, Lost Frequencies mixe Are You With Me comme en 2015, sauf qu’en 2015 je te connaissais pas, en 2015 y avait personne avec moi pour danser sous le ciel mexicain, et puis je t’ai rencontré et j’ai vraiment cru que ça parlait de toi, on finit toujours par retomber sur terre, pas forcément sur ses pattes, pas forcément sans les casser, quand je t’attendais t’es pas venu, et puis je t’ai rejoint et t’es pas venu non plus, et si je t’attends encore tu viendras pas, si j’abandonne tu viendras plus, c’est comme un non-choix où toutes les options sont mauvaises, parfois j’ai l’impression que tu sais pas bouger et que tu veux pas que j’avance, mais moi si j’avance pas je tombe, mes rêves en stand-by depuis trois ans et je peux plus les sacrifier, si tu savais comme j’ai mal en pensant à toi. Je pourrais pas réparer mes erreurs mais je veux pas qu’elles me définissent, je crois qu’on peut changer en essayant, jamais directement, jamais complètement, mais toujours entre les lignes, dans les silences et les sourires, moi je veux devenir meilleur, et j’en serai jamais capable sous les reproches que tu prononces pas, ou à demi-mots, j’ai peur de te parler et que tout explose, j’arrive plus à être serein, j’arrive plus à y croire.
> 6:25 PM
Tu t’excuses de pas pouvoir relire ma candidature comme tu me l’avais dit hier, tu me dis qu’une de tes deadlines a été repoussée à ce soir, tu le feras plus tard et je sais pas quoi dire, qu’est-ce que je peux faire à part accepter, et si je le prends mal tu me diras que je suis égoïste, immature et que j’ai pas les pieds sur terre, toujours l’impression d’être ce gamin en manque d’attention, oui mais ça fait un mois que tu sais que les plateformes ferment vendredi, et puis ça fonctionne pas comme ça, et si t’as pas de temps pour moi je dois le respecter, mais pourquoi je devrais rester, ta carrière avant la mienne, ta liberté avant la mienne, ta santé avant la mienne et moi je prends les créneaux qu’il reste, quand il en reste, et je t’attends comme une femme d’une époque où j’aurais pas pu voter ou travailler, je suis tellement fatigué et mes narines se serrent, non c’est pas juste, on peut pas mépriser les gens et espérer qu’ils restent, je crois que t’attends que ça, que je parte, pouvoir dire que tu l’avais dit, me diaboliser et te convaincre que j’étais comme les autres, ces femmes qui existent mais dont tu parles jamais, peut-être que je reste parce que je veux pas qu’on se souvienne de moi comme ça, qu’à force d’essayer tu me verras vraiment, oui mais je crois que tu m’as déjà vu, vraiment, et que ça t’a pas suffit, je me sens vide mais rien que tu saches pas, et rien que je peux dire en étant écouté. Est-ce que je te quitte, est-ce que j’écris une lettre de rupture sans le savoir, si tu savais comme j’espère pas, si tu savais comme j’ai repoussé ça.
> 11:21 AM
Ça y est, tout craque encore, j’ai essayé de garder mon calme mais c’est tellement dur, les larmes en tsunami, tu reliras pas mon projet de thèse, tu sais pas vraiment de quoi ça parle, et quand je te pose la question tu me rappelles que je t’ai trahi, comme tous les jours depuis un an. Est-ce que tu t’es déjà demandé pourquoi, est-ce que tu le feras un jour, je pense pas, je sais que non, l’histoire s’écrit en noir et blanc et t’acceptes pas le gris, les zones d’ombres qui fonctionnent que lorsqu’elles viennent de toi, un couperet sur la tête et tu la feras tomber, est-ce qu’on aime vraiment dans la rancoeur et la vengeance, est-ce qu’aimer c’est pas laisser partir ou pardonner, tu me pardonneras pas mais t’as encore besoin de moi, et on sait tous les deux que tu me pousseras jusqu’à ce que j’abandonne, que je te quitte et que tu romantises ton rôle, c’est comme si j’étais un pantin sur un échiquier et que tu m’observais dans l’ombre les ciseaux dans la main, couper les cordes mais jamais me dire quand, est-ce que je me suis pas déjà assez écroulé, est-ce que tu penses vraiment que je mérite plus, et j’ai beau te supplier d’arrêter je crois que ça t’excite, le pouvoir qui devient une forme de sadisme, je t’aurais pas aimé si j’avais su, comment j’aurais pu savoir, j’aurais certainement dû savoir.
L’impression d’avoir 15 ans à nouveau, la froideur de mes parents et le déni, le mépris, je peux pas te blâmer pour tout j’ai jamais appris à me faire respecter, comment je peux attendre ça des autres, et pourtant j’espérais qu’intuitivement ce serait possible, parfois je me dis que tu vois pas ma peine et puis je sais que si, tu l’ignores parce que c’est plus simple, parce que je pleure souvent et que je suis pas stable, parce que quand on se retrouve face à quelqu’un de suicidaire on relativise la douleur, si j’ai mal tous les jours c’est comme si j’avais plus vraiment mal, c’est mon état normal, et puis tu me rappelles que ma vie est parfaite et que je me plains tout le temps, mais si mes larmes sont pas rationnelles pourquoi elles coulent autant, pourquoi je me sens vide et brisé à la fois, je me sens faible mais je le contrôle pas.
BERLIN
> 4:37 PM
Berlin, et j’ai tellement mal à la tête, je me demande ce qui m’a traversé l’esprit, qui choisit Berlin comme havre de paix, et pourtant ça me paraît pas si débile, et l’odeur de l’alcool des drogues de la crasse dans la rue me révulse, et le noir me paraît une couleur terne, ou plastique, les gars de ma chambre d’hostel qui se lavent pas, ou trop, ceux qui sèchent la douche au sèche-cheveux et ce type sur le lit du dessus qui est rentré à 5h en reniflant et le souffle qui se calmait pas, je suis pas sûr que son trip se soit bien passé et ça m’a angoissé, je pourrais me détruire mais je supporte pas de voir les autres le faire, la panique dans la gorge et je voudrais me boucher les oreilles, ou me rouler en boule sur le sol. Comment on parle aux gens quand on est introverti, ou qu’on arrive de Londres, Londres et Berlin comme deux mondes qui pourraient se ressembler mais qui s’opposent un peu, à Londres on rencontre jamais personne, ou alors on étudie avec eux, ou alors on vit avec eux, ou alors on travaille avec eux, ou alors on a des amis en commun, ou alors on matche sur une appli de rencontre, à Londres on vit seul, on danse seul, et on touche rarement les autres, je crois que je suis trop rigide pour Berlin, je crois que je sais plus comment faire.
Je crois que je t’ai aimé tellement fort, dans le noir et sans contact, que j’arrive plus à briller, c’est comme si j’étais devenu un animal effrayé, quelque chose me dit que je serais jamais à la hauteur, ou veut pas recommencer, jamais, avec personne, le bonheur et les rêves et la lumière qui tourne au gris, au noir, l’infinité à l’enfermement, souvent j’ai l’impression de t’avoir aimé à l’étroit dans un placard, et que mon corps est déformé à force de s’y contorsionner. Demain t’as 31 ans, le même jour que ma mère et je pense pas te le souhaiter, j’y arrive plus, je crois que t’as éteint mon enthousiasme et ma spontanéité, je sais pas si je peux encore simuler la tendresse le bonheur, c’est comme si j’avais plus rien à donner, et pour ça je me sens coupable.
> 6:43 PM
C’est étrange d’y penser et de l’entendre, personne viendra me sauver, peu importe à quel point j’espère, et peu importe combien je donne, ceux qui donnent savent qu’ils donnent dans le vide, jamais pour recevoir, mais jamais recevoir, c’est quand même un peu douloureux. Tu viendras pas, et les princes charmants que j’ai créé dans ma tête sont pas réels, du moins pas comme je les ai pensés, c’est comme si j’avais compris ça en changeant de nom, et de style, c’est comme si le seul prince qui pouvait m’aider était schizoïde, scindé, l’alter ego d’Élise et ses vêtements gris, ou noirs, ses vestes de sport et ses bagues en argent, et pourtant c’est pas si triste, c’est même génial en y réfléchissant, devenir cet homme qu’on a jamais croisé, et le faire mieux que ceux qu’on a aimé, jamais pouvoir partir et sourire avec ce calme désarmant, je crois que Lysandre a la force tranquille que j’aurais jamais eu, c’est comme si on pouvait devenir son héros au lieu d’avoir à l’attendre, les héros déçoivent toujours quand on les rencontre dans la vraie vie, je t’ai rencontré dans la vraie vie et tu m’as pas déçu, c’est dans le monde virtuel que tout s’est effondré, et le froid du numérique révèle les failles des amours qu’on pensait éternels.
> 7:13 PM
J’ai tellement froid, et le coeur vide, c’est comme si plus rien n’avait de sens, que les choses comptaient qu’avec l’espoir qu’on finisse ensemble, je crois que t’as lessivé ce qu’il restait de mon âme, je crois que t’avais peur que je t’oublie, pas vouloir être avec moi signifie pas vouloir me voir disparaître, ou est passé mon insouciance, et dans chacun de mes gestes tu m’as fait culpabiliser, avec toi j’ai toujours tort et surtout quand je suis moi-même, et surtout quand j’ai plus que toi, et toutes mes opportunités sonnent comme des erreurs, comment j’ai pu m’éteindre autant sans le comprendre, et maintenant je suis perdu, je ressens plus d’étincelles dans aucun de mes gestes, et mes yeux sont absents, mes sourires atteignent pas mon coeur, le stress de mal agir efface mes pulsions de vie, comment je fais, comment je fais, comment je fais, comment je fais.
Si tu m’aimais, tu me demanderais pas de m’excuser, je le sais parce que j’ai fait pareil, parce que je fais toujours un peu pareil même si je sais que c’est injuste, pas avec toi, jamais avec toi, c’est comme si tu m’aimais qu’à genoux, mais qu’alors tu me méprisais, comme un père violent méprise sa femme faible, je crois que tu sais ce dont je parle, et que tu te détestes pour ça. Je suis pas heureux avec toi et ça me tord le coeur, parce que je sais que j’aurais pu être heureux qu’avec toi, c’est comme si on s’était ratés et que seulement le pire ressortait, un glissement de terrain ou un tsunami vers la douleur, mais qu’on restait à cause du potentiel, toujours l’espoir, cet espoir qui me ronge et que je veux plus ressentir, oui mais quand je le ressens plus je me sens absent, et dans le bus pour Berlin je pensais faire une pause, j’avais pas réalisé que je pouvais pas séparer mon corps et mon esprit, et que mon esprit me suivrait en Allemagne, j’avais oublié que les sentiments seraient les mêmes, qu’on arrête pas le flux des pensées et des émotions.
Arcan disait que si les hommes partent, c’est parce que les femmes ont appris à rester, et je sais que je serais jamais un homme sans partir, juste un masque d’homme, mais je sais pas comment faire, et te laisser c’est comme abandonner un enfant dans le noir, un animal blessé, comment on laisse quelqu’un dont la peine est si familière, comment on laisse derrière soi quelqu’un qu’on comprend mais qu’on peut pas aider, qui refuse d’être aidé, parfois j’aimerais partir sans culpabiliser, sur la pointe des pieds et sans claquer la porte, mais je sais que c’est pas possible parce que tu l’accepteras pas, et la porte tu feras en sorte que je la claque, tu feras en sorte que je m’en veuilles, et tu me répèteras toute la vie que j’ai brisé la chose la plus pure qui nous soit jamais arrivé, que je l’ai déjà fait, que c’est trop tard, et moi je m’en voudrais, je m’en voulais, et j’essaierais de réparer quelque chose que tu feras voler en éclat, comme des assiettes que je recolle au kintsugi et que tu jettes sur le sol en me disant de nettoyer, comme un geste que je répète encore et encore, et pour lesquels chacun des éclats me retombe dessus et me pénètre la peau, le coeur, jusqu’à ce qu’il reste que des cicatrices et rien de regardable, avec toi j’ai compris que la violence psychologique blessait autant que la violence physique, avec toi j’ai compris que j’avais pas tout vécu encore, et qu’on pouvait toujours s’éteindre un peu plus.
> 11:05 AM
Les étoiles s’alignent jamais vraiment, peut-être parce que je regarde toujours après l’alignement, peut-être parce que je fais partie de l’alignement, et quand je traduis mon nom je frissonne, ce picotement borgésien des choses qui sont prédestinées, ou qui se sont produites, ou qui vont se produire avec la certitude d’une histoire passée, Marcin***** comme fils de Marcin, belonging of Marcin, et Marcin c’est Martin en polonais, tu sais j’ai 27 ans mais j’ai jamais pu en obtenir le sens avant, comment j’aurais pu, je suis né en France et mes parents aussi. C’est comme une mélodie sourde et entêtante, la sarabande de Williams dans Titane et les notes qui s’amplifient jusqu’à la prophétie, la dégénérescence, les étoiles qui s’alignent et explosent, parce que c’est trop, même pour elles, et je sais plus par quoi commencer, ou commencer, on peut partir de ton tatouage et ces symboles païens sur tes jambes, et ce signe en bois que j’ai pris pour un symbole nazi la première fois que je suis venu chez toi, la seule, en fait c’était ton nom, sa divinité et un cadeau de ta mère, j’au tellement frissonné quand je l’ai vu encré sur tes cuisses, ça et la rune de mon nom, Élise, Élise et Mārtins comme signes gigantesques, et puis j’ai changé de nom, Lysandre comme la masculinisation d’Élise, Lys et Andros, et c’est comme si j’avais disparu de l’univers, en tout cas de ta peau, je crois que tu t’es senti trahi. Non sérieusement c’est pas logique, même pour moi, je suis encore là, sur ton autre jambe, parce qu’on partage un nom, un Dieu, à quel point c’est insensé, je suis plus Élise mais j’ai toujours Martin en moi. Mon patronyme mal traduit de descendant d’immigrés, jamais féminisé, fils de et pas fille de, c’est comme si ma transition avait été écrite dans ma naissance, c’est comme si j’avais jamais été une femme, ou que j’aurais jamais dû l’être. Et puis je frissonne, à l’origine de ma famille il y a un Martin, un homme, et t’es né le 11 mars, comme ma mère, j’ai lu suffisamment de mythes grecs pour savoir que les coïncidences s’écrivent et sont faites pour hanter, est-ce que tu crois au destin, est-ce que tu crois qu’on peut toujours refuser d’y croire maintenant, et même si je t’épouse jamais je porte déjà ton nom, et même si tu m’épouses jamais le mien est dans ta chair, sur ta cuisse, Martin, on s’est mariés dans les astres et les grandes lignes de l’histoire sans le savoir, on s’est mariés avant de naître, ça a toujours été plus grand que nous.
> 1:15 PM
Je soupire, tu me parles plus mais je crois que je ferais mieux de pas te contacter, pas tout de suite, et si j’en crois mon coeur on se retrouvera, pas tout de suite, c’est comme si on avait encore du chemin à faire et que les routes étaient sinueuses, je t’aime mais parfois ça suffit pas, et ton amour te consume parce que t’as peur de donner, et que j’arrête de donner, tu veux pas t’engager mais t’as besoin que je le fasse pour nous, et je sais plus écrire que je suffoque, et si tu m’aimes tu comprendras que j’ai besoin de fuir, et que tu me rattrapes, que tu t’engages pour nous et que je puisse douter, j’ai besoin d’être un homme et pas Élise docile et maternelle, j’ai besoin de courir plus vite que mes jambes, et tomber plus fort que le ciel, tracer des lignes qui font pas de sens et des schémas que je sais pas briser, et frapper les dômes de la liberté, ceux qui s’écrouleront pas et ceux qui s’écroulement sous mon poids, sur mon poids, toi aussi mais tu sais pas comment faire, tu t’es emprisonné dans une vie que tu peux pas quitter, parce que t’as peur de tout perdre, même si au fond de toi tu sens déjà que t’as tout perdu, parfois j’aimerais te dire qu’on peut toujours recommencer de 0, que c’est tatoué sur nos poignets, et puis je me rappelle que tu me vois comme un enfant gâté qui traverse le monde sur un coup de tête et parce que quelqu’un paie, c’est vrai mais ça t’aidera pas, et tu vois toujours les dorures du monde autour de moi parce que c’est plus simple d’ignorer les fissures et les infiltrations, et parce que j’ai tout ça veut pas dire que j’ai pas tout perdu non plus, et si tout allait bien j’écrirais pas des mots si sombres, et j’aimerais pas cet homme que j’ai croisé trois nuits il y a 6 ans sous la pluie de Londres, et au coeur plus noir que les cendres du petit soldat de plomb et de sa danseuse en papier quand ils ont fondu ensemble dans la cheminée, tu pourras dire ce que tu veux, penser ce que tu peux, on efface pas la douleur même quand on la comprend pas, et qu’on peut pas la justifier, c’est pas parce que j’ai tout que j’ai pas perdu plus, comme un héritage de la noblesse et la vie de luxe malgré les dettes plus lourdes, tu sais les gens les plus riches sont aussi les plus pauvres, on l’accepte juste parce que c’est plus gros qu’eux, c’est le nom, le prestige, l’histoire, ou la poussière dorée.
C’est comme si j’étais fait de poussière dorée, et des cendres du soldat, qu’on était dans un conte Allemand ou Danois mais qui en refusait la noirceur totale, et le cynisme est là, les schémas sont là, la destruction, les leçons qui s’apprennent trop tard et la douleur, la torture, l’aura sombre, mais qu’on avait quelque chose d’autre, la philosophie lumineuse des mythes grecs, quelque chose de logique et d’implacable, j’ai toujours trouvé la philosophie solaire, comme les mathématiques, c’est comme si y avait toujours une réponse et qu’il fallait juste la trouver, tu sais je crois pas tellement qu’on s’éteint sans briller, ou sans calme, et le soleil sur ta peau couleur miel, tes cheveux couleurs miel, tes yeux qui sont des tournesols piégés dans du verre ou du formol pourront jamais dire le contraire, peut-être que tu brillerais plus sans moi, que cet amour te ronge, peut-être que c’est mieux si tu respires loin de moi, et ça me fait toujours mal de comprendre à quel point ma présence tue par son intensité, ça fait mal mais c’est vrai, j’avale l’énergie de ceux que j’essaie d’aimer, c’est comme si ma présence était cannibale mais que j’étais végétarien, quelque chose que je prie pour pas faire et que je contrôle pas, c’est pas que dans mes mots, c’est dans mon rythme, ma vitesse, la force de mes émotions et de mes pensées, c’est comme si j’étais trop, et qu’une personne seule pouvait que finir dévoré, c’est pour ça que j’écris que je vis dans ma tête, quand on vit dans sa tête on dévore moins les gens qu’on aime, on se dévore soi-même, ça fait mal mais c’est vrai.
> 1:50 PM
Je crois que j’aurais aimé te sculpter, te mouler, garder quelque chose de toi et c’est paradoxal, parce que tu veux disparaître, même si tu veux pas que je t’oublie, c’est comme si j’espérais qu’on pouvait créer de la matière avec du vent, isoler les particules et les compresser, ou que les souvenirs pouvaient s’accrocher comme un cadre dans les galleries de la mémoire sans jamais disparaître, une galerie de portraits de famille où y aurait toi, et mon chat mort, et ces choses qu’on peut pas conserver, mais la mémoire est un courant d’air, une bouche d’aération qui existe déjà plus, a jamais existé, une hallucination, un jour N. m’a demandé si on s’était vraiment rencontrés, notre amour est un peu schizophrène et schizoïde, halluciné et dans ma tête, parce que t’existerais pas si je te parlais pas tout le temps, surtout quand t’es pas là, et quand j’écris t’es derrière moi, comme un fantôme qui a pas réglé tous ses comptes et qui erre dans mes limbes, un courant d’air froid, c’est peut être pour ça que je frissonne autant.
> 2:45 PM
Un autre sweat gris, tu sais avant cette année j’avais jamais porté de gris et mes yeux ont toujours été bleus, plus bleus que le ciel, mais dans le gris ils se transforment, le gris existe dans la nuance et c’est comme un monde auquel j’ai jamais eu accès, l’éternité et ses accents de brume et d’immeubles délabrés, d’une ville d’Europe en hiver ou d’un périphérique, gris comme la viande de supermarché sans colorants, gris comme les zones d’ombre qui t’entourent, et les clous sur lesquels je marche, gris comme le monde avant la couleur, ou après la couleur, et maintenant je sais être invisible, errer dans les rues sans que personne m’arrête, j’ai appris à disparaître et j’en oublie presque d’exister à nouveau.
> 6:36 PM
Et de toutes les villes du monde Berlin est la plus familière, c’est comme si j’avais pas à prétendre, ou à prétendre moins, et le poids du small talk disparaît, le poids de la performance disparaît, peut-être que c’est le piège des villes qui permettent d’exister et de s’effacer, parce que je veux autant m’exister que m’effacer, me sauver que me détruire, c’est comme si l’ombre et la lumière se touchaient du bout des doigts, se pesaient sur une balance de précision, et que chaque souffle la faisait vaciller. Je pense à toi, à Londres que j’ai voulu quitté dès le départ et que j’ai quitté, Londres que j’ai essayé d’aimer, comme une histoire d’amour toxique qui aurait eu du potentiel si elle avait démarré autrement, différemment, sans toi, sans moi, qui aurait été belle vidée de son essence, et à toutes ces autres villes, Paris glaciale et impersonnelle, Paris arrogante et dans laquelle je me suis jamais senti grand, Paris et ses codes qu’on comprend jamais, sauf si on naît ici, ces carrière qu’on a jamais vraiment, sauf si on naît ici, et Montréal, j’aime Montréal mais là-bas tu m’as toujours manqué et tu me manqueras toujours, je crois que j’imagine pas la neige loin de toi, c’est comme si je t’avais volé ça, et je me demande combien de temps on peut errer dans le monde, on peut errer pour toujours si on sait pas où on va, si on cherche à se fuir, peut-être que c’est pas toi que je voulais trouver, juste moi que j’espérais perdre.
> 3:59 PM
Toujours ce sweet gris, et quand j’ai traversé Berlin sous K. à 5h du matin, les arbres étaient givrés et la batterie de mon téléphone s’est déchargée d’un coup, je sais plus à quoi je pensais dans la rave, à toi, mais différemment, je me suis dit que t’étais pas doux, dur et tranchant comme ta mâchoire, et souvent ça me plaît mais je crois que la dureté on s’y heurte, elle lime les angles et l’innocence, on rêve toujours un peu moins face aux gens durs, et quand je dansais c’était étrange, parce que j’ai toujours dansé pour toi, avec toi, j’ai toujours pensé danser pour toi, mais si c’était pas avec toi, avec qui j’ai appris à danser ? Et si t’avais jamais été, jamais comme t’es vraiment, qu’on s’était inventés des fantômes pour combler nos coeurs vides, c’est comme si on était tous les deux si brisés qu’on pouvait pas s’aimer pareil, mais qu’on s’aimait quand même dans ce qu’on avait pas, ou ce dont on rêvait, c’est comme si on avait conçu des avatars à force de pas se voir, de pas s’entendre, de pas se toucher. Je crois pas que ça veuille dire qu’on s’aime moins, juste qu’on se connaît pas, je crois pas que tu veuilles me connaître, en tout cas je sais que tu veux pas que je te connaisse. Je serais là si tu changes d’avis, si je fuis pas avant, une danse que t’as toujours gagné mais on sait tous les deux que c’est plus compliqué, c’est comme si t’étais fiable dans ton manque de fiabilité, et que j’étais fiable tout le temps, sauf quand ça compte vraiment.
> 5:31 PM
Les bouteilles d’alcool vides dans la rue sous les poubelles, ce type qui me dit que c’est un système incroyable et solidaire, ceux qui ont besoin d’argent peuvent amasser récupérer les consignes, et je peux pas m’empêcher de grimacer charnellement, organiquement, viscéralement, est-ce que c’est vraiment solidaire de laisser tes addictions derrière toi, je me demande si ça marche aussi avec la coke ou les préservatifs usagés, les restes de lignes sur les tables pour permettre aux femmes de ménage d’en profiter, non parce que si c’est pas le cas faut quand même m’expliquer, et si t’es à la rue même sans boire tes fringues s’imprègnent de l’odeur de l’alcool collecté, et les gens qui te croisent avec tes sacs de bouteilles ils s’en foutent que tu sois sobre, ils sont pas au courant, pourquoi ils le sauraient, si tu ramasses leur alcool c’est pour t’acheter le tien, pourquoi tu le ferais sinon, et si t’as tes propres addictions à la drogue à l’alcool comment ça peut aider, comment tu peux les battre quand c’est le moyen le plus simple de gagner de l’argent, pas beaucoup juste le prix de l’alcool, parce que faire ramasser les bouteilles aux plus précaires c’est les piéger dans ces cycles de dépendance qu’on appelle charité, ou recyclage, je suis pas expert mais je pense qu’on peut trouver des tâches moins dégradantes, et ceux qui voient le positif dedans ont qu’à le faire pour voir, je crois pas que ce soit agréable de ramasser les verres des autres, c’est un peu ironique quand même, on te propose de sortir d’un système en affrontant ta némésis, c’est pas comme ça que ça fonctionne, c’est pas le conseil qu’un psy pourrait donner, et si tu veux aider les gens tu caches l’alcool, les drogues, dans une ville comme Berlin même sans boire tu finis alcoolique, les relents d’ethanol et de crasse sur le sol comme à Montréal, quand j’étais en Roumanie les passants finissaient les fonds de bouteille des autres, celui qui pense que ce système est sain a jamais rien affronté et certainement pas lui-même, c’est simple et si basique, on devient pas sobre en ramassant les verres des autres, on arrête pas l’héroïne dans une pièce pleine de seringues, j’en sais quelque chose à force de confronter mes problèmes mes addictions pour les régler, je sais à quel point c’est stupide et ça peut qu’échouer et pourtant je continue, parce que quand tu te construis dans les marges t’apprends que le challenge c’est une forme de courage et qu’en y survivant tu survivras à tout, si tu savais comme y a rien de plus faux, c’est ce qu’on dit aux gens qu’on méprise pour éviter qu’ils s’en sortent et pouvoir les blamer, c’est comme ça qu’on maintient les têtes sous l’eau en reprochant de couler, t’es mort parce que t’as pas assez retenu ta respiration, c’est ton mental le problème, pas la main qui fout la pression fermement sur ton crâne.
> 6:23 PM
Et si j’écrivais une fugue sans le savoir ?
> 2:42 PM
Pourquoi je pense toujours à toi, pourquoi toi et pas un autre, pourquoi toi si longtemps, pourquoi toi quand je m’ennuie, pourquoi toi quand je sais pas à qui parler, qu’est-ce que t’as de si différent. Toi, Martin, et tes yeux à la fois vides de vices et si flippants, ta rigueur qui peut sauter à tout moment, ou qui saute déjà, c’est comme si ton esprit glimpsait et que je pouvais comprendre ça, que t’étais bon, tout le temps, sauf quand ça te touchait, que t’étais juste, tout le temps, sauf quand ça te touchait, et je crois que c’est ça qui me rattache à toi, la preuve qu’on peut être une bonne personne tout le temps sauf face à soi ses traumas ses peines, mais peut-être que c’est faux, peut-être qu’on l’est pas, ni toi ni moi, peut-être que t’aimer c’est penser qu’on peut aussi m’aimer, me pardonner, et si c’était pas possible, et si j’étais juste le monstre que je sens que je suis, je crois que je t’aime parce que t’es ma rédemption, je crois que c’est pareil pour toi, c’est pour ça qu’on est liés à l’autre, pour toujours, éternellement, c’est comme un pacte avec le diable qu’on a signé en pensant faire un pacte avec un ange, c’est comme deux figures infernales aux traits trop doux, je t’aime parce que tu me vois, ma noirceur et mes failles, je t’aime parce que je pense pas que quelqu’un d’autre le puisse.
> 10:28 PM
Berghain, Berlin, partout sauf là où je pensais aller et même ici j'étouffe, et la fumée du fumoir tout en haut me donne l'impression d'être un oiseau qui sait pas planer, ou pas bien, ou pas avec les autres, et les peaux moites sur la mienne m'attirent plus depuis longtemps, et ces pensées intrusives que je sais pas arrêter, et si je m'allongeais par terre entre les cendres l'urine les bouteilles brisées l'alcool, sentir les coupures sur ma peau et savoir qu'elles s'infectent, que c'est trop tard, et si tous ces corps me piétinaient, et le rythme de la techno est tout aussi infectieux, tout est taché condamné détruit, comme la vaseline sur les murs de mes pensées, parfois je veux juste me rouler en boule et que le poids du monde m'écrase, parfois je sais que la peine est la meilleure option pour ceux qui savent pas crier assez fort, le fumoir de Berghain et même ici je suis un drôle d'oiseau, un oiseau nu sans plume et qui se les arrache, le monde entier voudrait être à ma place et moi je voudrais être ailleurs, juste pas moi, juste pas dans ce corps, juste pas si fort, qui écrit seins nus dans le fumoir d'un club sans vouloir l'être, ou vouloir les couper, les effacer, qui se retrouve là par erreur, et le verre qui se brise sur le sol est si familier, l'idée du verre sur ma peau me paraît si sensuelle comme le cuir les lames la peine le sang la peur, et en même temps qu'est ce que je peux faire d'autre, et pourquoi je suis là, et pourquoi les questions s'enchaînent sans se commencer, pourquoi elles comptent plus vraiment, et pourquoi je suis là quand je te voulais toi, même en le voulant on aurait jamais pu tout rater si fort, si fort que c'est tragique, tout ce que je voulais c'était toi et j'ai tout eu sauf toi, combien de temps je vais rester là dans ce fumoir sans fumer, et en même temps l'odeur du tabac est si familière, si sale, si enfantine, comme une petite fille qui pleure tous les jours dans son oreiller effrayée par les emballages de tabac, et si papa mourrait, et puis papa s'est foutu d'elle et elle y a plus repensé, et y a plus de petite fille, y a plus de fille, juste Lysandre seins nus dans le fumoir de Berghain et qui voudrait les couper, pourquoi les coups de ciseaux coûtent si cher et comment je paie ça, et comment en silence, et pourquoi personne m'écoute quand je crie que je suis pas une fille, et c'est toujours les mêmes fumoirs toujours les mêmes gens et je suis au milieu j'existe pas j'existe plus, ou j'aimerais pas exister me rouler dans le verre et sentir le cristal et l'alcool les drogues se briser dans la plaie, qui a déjà écrit un texte de suicide ici, tellement d'autres avant moi, et c'est ironique, toujours ironique, faut savoir qui t'es pour arriver ici mais si on le savait on serait pas ici, et tous les corps se ressemblent quand t'en as trop vu, et tous les corps se consument aussi vite, et dans le fumoir de Berghain sans fumer mes poumons crient à l'aide ou mon nez ou ma gorge, c'est comme si la classe t'achetait une vie un corps un suicide plus rapide, et combien de gens ce soir vivront encore 10 ans, et moi qu'est ce que je fais là et pourquoi je me sauve jamais, et tous ces corps tatoués et la peine et la sueur, et pourquoi on fait ça, pourquoi on l'accepte, pourquoi on l'érige, et pourquoi on vend ça aux autres, ma destruction la drogue la peine l'anorexie le suicide la dysphorie, est-ce qu'une personne ici est vraiment heureuse, et je pourrais éclater de rire, sourire et te dire que je t'aime, que tout va bien et me rouler dans le verre juste parce qu'il brille et qu'il est coloré, et pleurer comme une chute de 5 étages, comme chuter du fumoir de Berghain et les abysses si sombres que l'ego disparaît, et chuter de Berghain comme un oiseau sans ailes ou aux ailes rasées, je crois qu'on monte si haut parce que chuter du ciel c'est comme être immortel, c'est comme être immortel, c'est comme être immortel, "- can I ask you what you're writing" et l'histoire continue, et tous ces gens ces tatouages sont si beaux et je me demande combien de tatouages meurent chaque jour et sans qu'on le sache, et toutes ces histoires qui crient sur nos peaux sans être vues ces avatars de chair d'encre de sang et qui dansent mieux que nous parce qu'on danse pas vraiment quand on se détruit, ou comme un cygne, un cygne noir rasé sur le toit de Berghain, et pourtant je redescends pas, et c'est comme si j'existais plus et les gens s'habituent, et parfois mon silence c'est comme un badge qui ouvre des portes que je voulais pas voir, ou peut être que si, est ce que je suis pas déjà dans ces morceaux de verre, et j'irais tellement haut si je détruisais pas tout, et je suis tellement haut parce que je détruis tout, c'est comme vivre sur le toi du monde et attendre la tempête, ou être la tempête, y a un an tu m'as dit que je savais que détruire et t'avais raison, mais quand je détruis c'est beau, et quand je détruis le monde chute avec moi, et tu savais que les paillettes sont des bouts de plastique, et tous ces verres brisés sur le sol deviendront des paillettes, juste pas nous, pas dans cette vie, et tu m'as écrit dans une prophétie, je me détruirai pas si tu l'avais pas dit, je crois que tu le sais, je crois que tu le savais en l'envoyant, est ce que je peux t'expliquer est ce que tu pourrais comprendre, et je t'ai appelé tous les jours ces 6 ans et ton nom dans ma tête comme prière, pitié sauve moi de tout et surtout de moi même, Élise avait besoin de toi et j'avais besoin d'elle, c'est comme un père absent sauf que mon père répond, c'est moi qui répond pas, c'est comme si j'avais choisi d'exister nulle part sauf avec toi, et que t'existais pas, le verre brisé sur le sol et notre histoire redevient petite comme les cendres du tabac du fumoir de Berghain, et tous ces corps tatoués tous ces gens qui crient qu'ils peuvent encaisser qu'ils vont encaisser, et quand tu connais pas la peine tu veux la ressentir, et toutes ces peaux si lisses sous leur tatouages ces coeurs de bébé et tellement de gâchis et je suis au milieu, et qui recolle le verre brisé sur le sol, est ce que je dois vraiment l'écrire, on se souviendra pas de nous ni moi ni eux et quand on disparaît c'est pour toujours et personne veut le voir.
LONDON PT. 2
> 5:05 PM
Dans l’avion pour Londres, et soudain retrouver ma ville grise me fait sourire, et je la déteste autant que je l’aime, elle m’inquiète autant qu’elle me rassure, et je respire enfin, laisser derrière moi l’alcool la coke la kétamine le speed l’ectasy l’acid les défilés nazis anti-nazis et ces mecs aux drapeaux croix gammées qui font la queue au Aldi en battle jackets pendant que je paie mon Ayran et l’odeur du tabac qui te colle à la peau te quitte pas et te hante les clubs où les autres sont trop grands trop beaux trop blonds les bouteilles dans la rue la poudre sur les tables et tous ces gens qui deviendront jamais connus et qui le savent mais qui se mentent ces réseaux de contact inutiles qui mènent à rien sauf à l’autodestruction et l’impression d’une spirale qui finit jamais et qu’on sent pas commencer ou qu’on prend pour du succès Berlin comme un casino où les verres sont drogués les lumières tamisées l’air conditionné et qu’on quitte pas ou pas sans avoir tout perdu Berlin et ses vestes de sport ses looks alternatifs et tout est si alternatif que le mot perd son sens et si je choisis mon challenge je le préfère rigide froid et cassant comme un rêve qu’on touche jamais parce qu’on est pas assez bon ou pas la bonne personne pas parce qu’on se perd dans des tourbillons qui se perdent dans d’autres tourbillons et que la ville entière est une tornade prête à exploser Berlin comme ville de la chute et de la rupture et si la fin du monde existait quelque part elle y ressemblerait.
Londres sans toi, et d’une certaine manière le fait que tu coupes les ponts me soulage et brise mon coeur, peut-être que je peux vivre exister respirer sans toi, tu sais je t’en veux pas je t’en veux plus, et quelle que soit ta vie je sais que t’as tes raisons, et si j’ai tout détruit y a quelque chose que j’aurais jamais pu avoir, ou jamais pu te donner, tu sais on fait pas confiance aux étrangers, même quand leurs yeux brillent comme les tiens, surtout quand tu sais pas si cette lueur est bonne ou mauvaise ou neutre, juste neutre, juste humaine, parce qu’on a tout mythifié on a écrit des fugues des tragédies des proses et des journaux intimes, surtout moi mais jamais sans toi, parce que t’es cet ange noir qui a rien demandé à personne et surtout pas d’exister et que je peux pas laisser disparaître, est-ce que tu te détesterais en me lisant tu me détesterais tu voudrais rayer les lignes ou les accepter à travers les ratures de ma mémoire et les fantasmes de mon esprit, et souvent quand les autres s’embrassent je me demande où ils en sont, s’ils rencontrent leur âme soeur pour la première fois lui disent adieu pensent à quelqu’un d’autre dans des baisers moites qu’ils arrivent plus à savourer, et si le monde doit être écrit sans toi alors j’écris sur toi, et je t’aime comme une mélodie qu’on fredonne en dormant, le corps qu’on cherche dans son sommeil et qu’on tâte sans trouver la saveur d’un plat d’enfance qu’on a jamais réussi à reproduire, et les étoiles à Berlin étaient si vives que j’ai pas fait de voeux, c’est comme si j’avais atteint mon capital de rêves de souhaits et que le karma m’évitait, ou me frappait violemment, on pourrait dire que mon karma a le sens de l’humour, ou que je le provoque, et que c’est mon humour, cynique noir et pourtant crystallin insouciant, comme l’enfant d’une poignée de graviers et d’une paire de diamants, tranchants, coupants et paradoxaux, la pureté et le goudron sont tout aussi incisifs si tu te les enfonces dans la paume ou le pied, et la couleur la valeur change pas la taille de la plaie.
> 6:54 PM
Londres, encore et toujours, et les rues si propres me surprennent, Bank et les employés en costume qui sortent du bureau et qui sentent le parfum, la lessive, l’after-shave, tu me répètes souvent que tu transpires sous tes chemises et je penses à tes auréoles et ta sueur, et toi timide, toi mal à l’aise, toi encore, et devant tous ces immeubles je me demande dans lequel tu travaillais, j’aurais aimé qu’on se croise un peu plus longtemps, faire partie de ta vie ici, ou là-bas, en Lettonie, même si c’est pas ma place et que je l’aurais pas trouvé, est-ce qu’on peut se rater autant que nous, est-ce qu’on peut s’aimer et jamais vivre ensemble et puis plus s’embrasser, se toucher, les matins dans tes bras que je connaitrais jamais et mon coeur se serre, Londres sans toi c’est ces tours de Canary Wharf allumées la nuit sans personne à l’intérieur, une bougie artificielle qui éclaire sans jamais réchauffer, je t’aime comme une étoile qui s’éteint pas mais qui brille seule, et de la Terre les étoiles semblent si près les unes des autres mais elles se touchent jamais, des centaines de soleil qui se consumeraient entre eux s’ils étaient proches des autres, est-ce que tu restes loin de moi par amour, est-ce que tu sais qu’on est pas immortels et que le temps trahit.
L’écriture est plus clean qu’avant, plus triste aussi, c’est comme si ma voix s’était cassée ou que tu m’avais avalé, la rage comme moteur et quand elle disparaît mes bras se baissent s’effondrent comme une poupée de chiffon, oui mais la rage on la vit jeune, qu’est-ce qu’on ressent ensuite, par quoi on la remplace, et la rage je l’avais parce que j’étais une femme, Lysandre est résigné, pas en colère, pas autant, et comment on peut briller encore quand on s’est brûlé les yeux en regardant un autre qu’on a pris pour reflet, des questions qui n’en sont pas et des réponses que je connais ou qui m’importent peu, et pourtant je suis toujours là.
> 2:28 PM
De retour dans ce café de Bethnal Green, on revient toujours à Bethnal Green, même quand on s’y attend pas, et j’ai y été violé juste avant de te rencontrer à deux rues de ma résidence étudiante, et quand je regarde Bethnal Green aujourd’hui ses cafés ses friperies ses rues calmes et gentrifiées je comprends pas comment j’ai eu si peur, et quand j’avais vingt ans tout m’effrayait, je me demande souvent si je serais fier en me voyant aujourd’hui ou si j’aurais l’impression d’affronter une expérience qui a mal tourné, un Frankenstein forgé par les villes et la solitude, la pression et l’échec, les amours qui échouent et ceux qui brûlent les ailes de cire à voler trop près du soleil, les drogues et le poids des années, et son âme soeur qu’on abandonne pour fuir dans l’Eurostar direction Paris, si je pouvais revenir en arrière je le ferais mais je veux plus de si, je veux plus vivre avec ces fantômes et leurs mains sur ma gorge, toute ce qui fait qu’on a pris un chemin et pas un autre, la vie dans un dé à coudre, pour citer Olivier Adam. Je bois cet Americano que le barista m’a conseillé comme un choix « audacieux », non j’aime toujours pas ça, la grimace qui se fige et s’estompe, et devenir adulte c’est devenir maso prétendre aimer le sexe qui pénètre brûle déchire, l’alcool et son gout de mort de produit ménager, l’amertume du café et des lundis matins, le small talk qui zombifie et le tabac qui brûle la gorge, pourquoi on s’inflige ça, et pourquoi on peut plus s’en passer.
Londres sous le soleil, et soudain c’est la plus belle ville du monde, Londres comme un ex toxique, comme tes messages épars et tes appels une fois tous les six mois, tes photos une fois tous les six mois et ta présence tous les six ans, si rare mais quand ça arrive je sens mon coeur exploser et j’oublie la peine les larmes la pluie les insomnies l’angoisse de pas être assez et de te perdre, de me perdre dans le gris et la nuit, Londres sourit et je sens que je suis piégé je veux plus partir, et qui peut accepter les ténèbres pour quelques heures de lumière, les tendances parleraient d’addiction à la dopamine, moi je crois juste que j’ai grandi comme ça, à manger dans des mains souvent fermées hostiles, comme un âne qui attend sa carotte ou Tantale dans son fleuve, est-ce qu’on peut vraiment se nourrir d’espoir, est-ce qu’on peut mourir d’espoir. Le café refroidit et la sensation est familière, aussi familière que me brosser les dents pleurer pour toi, je pourrais pas t’expliquer tu le verras jamais, des années passées à étudier écrire dans des coffee shops et faire durer son verre pour pas en payer d’autres, la tasse sur le côté et l’odeur des boissons qui reste colle à la peau, malgré moi je commence à comprendre qu’on se connaît pas, comment on peut connaître quelqu’un qu’on voit pas travailler étudier réfléchir pleurer dormir manger rire fermer les yeux froncer les sourcils bailler vieillir, des mots sur un écran et nos jeunesses qui fuient, je t’aime mais je peux plus faire ça, vivre entre les mondes et deux fuseaux horaires, espérer et jamais rien fonder, je t’aime, mais j’ai besoin d’exister.
> 3:14 PM
On s’est rencontrés dans le janvier pluvieux de 2019, toi et tes joues rondes tes sourires magnifiques inquiétants et tes yeux qui pétillent et mes cheveux roses mes pulls rouges et tous ces accessoires rouge à lèvre maquillage couleur, docs à trèfles bas résilles tote bag de la bibliothèque universitaire de Nanterre, et puis on s’est revu et je me suis demandé ce qui avait changé, tes yeux si tristes ton corps trop maigre tes traits tirés, tous les deux face à face dans ce bar de Baker Street que j’ai tatoué sur mon bras à Brooklyn il y a trois ans, et tu m’as jamais répondu, une part de moi sens que quelque chose est arrivé et l’autre comprend que c’est le temps, l’usure le manque d’espoir de rêves de projets la solitude, et si rien s’était produit et que c’était ce rien qui te rongeait, la résignation et toi qui comprend qu’on gagne jamais vraiment et qui veut plus te battre, parce que tu l’as fait jeune et que t’as échoué, et plus j’écris plus je sens qu’on est pareil t’es juste plus vieux, et mes traits se tirent comme les tiens mon coeur se brise moins se tait plus, on s’étouffe soi-même quand on est fatigué de crier d’espérer, et plus j’écris plus je deviens comme toi, peut-être que c’est pour ça que tu m’attires, comme un grand frère une boule de crystal vers le futur qui fait rêver du mieux et finit par dévoiler le reste, les mirages qui s’effacent et les traces de la vie, et peut-être que j’écris pour te montrer que je te connais mieux que tu le penses et qu’il y a toujours une chance une porte ouverte, un pas après l’autre et sauter dans le vide, ou peut-être que j’écris parce que je sais rien faire d’autre et que tu sais pas parler t’exprimer ressentir et comprendre, tu comprends sans ressentir et ressens sans comprendre, impossible de savoir si t’as grandi sensible dans un monde trop froid ou si tes émotions sont aussi grises que tu le dis, moi je pense qu’on aime pas quelqu’un comme moi en étant placide mais pour chuter, exploser, ressentir et plus savoir quoi faire ensuite, comme une anti-boussole qui destabilise démagnétise et inverse le nord le sud l’est et l’ouest, on m’aime quand on cherche à se perdre, ou qu’on veut se trouver.
> 7:18 PM
Les cheveux bruns coupés courts et j’ai plus rien d’impressionnant, plus de split hair platine et noir, de maquillage extravagant corsets harnais talons et chaussures à plateforme, comme un petit garçon qui ressemble à n’importe qui et qui respire enfin, et quand je t’ai rencontré j’ai voulu être comme toi, les fruits secs sur ta table et tes chaussures de course les draps sombres le lit double la baie vitrée impressionnante et cette chambre trop bien rangée, tes vêtements trop bien coupés ta rigidité presque militaire et t’aurais pu être sportif faire du consulting de la finance, et je connais toujours pas ton job ta branche tes ex ton nom ta ville ta chambre tes amis, trop de zones grises et de vides à combler, et quand je les comble c’est pas réaliste parce que j’applique la France Londres Montréal sur ta campagne lettone, et si on se comprend si peu c’est peut-être parce que j’ai pas grandi en Europe de l’Est et dans les pays baltes, nos éducations en miroir et parfois elles se croisent parfois elles se heurtent, tu voulais rester invisible et que je te devine, juste les lignes dont t’as besoin et pas les autres, tu sais je suis sensible mais je pouvais pas réussir, c’est comme marcher sur des lames de rasoir et s’étonner qu’elles coupent, et pendant que tu te cachais j’ai appris à disparaître, Lysandre est né quand tu pensais qu’Élise serait là pour toujours et j’aimerais que tu le voies comme j’aimerais te voir, mais si je te voyais je pourrais pas écrire, et mes muses ne fonctionnent que parce qu’elles sont hostiles, peut-être que cette fois-ci tu pars et je l’accepte parce que je t’ai en moi, dans mon nom mes cheveux mes vêtements mes routines et la grisaille qui t’enveloppe et qui devient mon héroïne doucereuse suffocante aliénante protectrice familière, ou peut-être que j’accepte parce que j’ai pas le choix, je l’ai jamais vraiment eu ou j’ai fait le mauvais, les mauvais, et j’espère que tu vas bien, que tu respires, que tu souris, j’espère que tu vis et que t’es heureux, je mentirais en disant que tu peux l’être, peut-être que je t’aime parce que tu brises ton coeur aussi fort que j’ai brisé le mien, que c ‘est pas ta faute mais que tu sais pas faire autrement, et si mes bras mes mots pouvaient te rassurer je te les donnerai, mais ils t’enserrent te tuent ils ont l’effet inverse, et mes étreintes deviennent des tentacules, comme une pieuvre qui t’emmène dans sa grotte et toi qui meurt de solitude ou avant par noyade, la tragédie des gens qui aiment et qui veulent le montrer, des coeurs purs qui ont pas grandi au bon endroit, ou avec les bonnes personnes, quand on aime on s’isole pour protéger l’autre, c’est pas juste mais on a pas écrit les règles, on changera pas à deux le poids du monde, comme deux aimants magnétiques et incompatibles, je t’aime, est-ce que tu t’en souviens.
Tu veux pas être sauvé mais tu veux pas non plus être abandonné, et quand on s’est rencontré je travaillais sur les routes les carrefours la vie qui passe et qui nous échappe, c’est comme si t’étais assis au bord du chemin pour éviter la fourche et les croisements mais que ce chemin bougeait, comme un tapis roulant, quand l’espace est figé le temps continue d’avancer, et attendre c’est le pire des mouvements, on peut attendre pour toujours et mourir de vieillesse, t’es comme une biche figée dans les phares d’une voiture et ton pelage blanchit, le temps et l’espace sont des notions humaines, et souvent on les comprend trop tard ou de travers, la binarité est scientifique mais la science est humaine et l’humain est binaire, et nos fugues métaphysiques sont des métavies et des métamortalités, des vies en dehors des cadres qui les subliment les contredisent pas, et la marge existe pour accentuer le centre, les périphéries pour rappeler la ville, on échappe pas aux choses quand on reste à l’écart, tu le sais aussi bien que moi, et nos fugues sont pas dans le mouvement mais dans l’intensité, et on s’est fuit intensément, on s’est aimé intensément, et on s’éteint en glitchant, en faisant dérailler le reste, en voulant essayer et en détruisant tout. Mon Latvian boy, mon petit coeur intense dans un monde qui ose plus ressentir, et si t’étais né près de moi tu pourrais battre plus fort, nos histoires se sont écrites avant qu’on vienne au monde, et les déterminismes dans les grandes lignes de nos pays.
> 3:27 PM
Je t’écris depuis un mois et le temps devient relatif, les traces de mon gloss NYX hydratant teinté pêche sur la paille en papier dans le gobelet plastique de mon thé glacé pêche, une femme qui veut devenir un homme porte pas de maquillage je me dis brièvement, la paille et le gobelet me font relativiser, les paradoxes des autres font relativiser et quand on en trouve plus on en cherche plus loin dans la rue les crackheads ou dans les clubs de Berlin, parce que s’affronter c’est aussi s’écrouler ou blesser son ego et nos esprits étriqués font pas la différence. Sous les immeubles de Canary Wharf et les fesses qui gèlent sur ce banc et ces chaussures cirées qui défilent sous mes yeux quand je tape et les pigeons obèses qui tournent en rond et qui ont peur de rien, ces gens et leurs valises de conférence et tout un monde trop près du mien et que je connais bien mais qui reste étranger, inaccessible, est-ce que j’appartiens à quelque chose et pourquoi je reste toujours à l’écart, est-ce que les inconnus dans les cafés la rue les lieux publics se demandent ce que j’écris ou ils s’en foutent, souvent je me demande qui ils sont comment ils aiment et s’ils ont choisi leur vie ou s’ils s’y résignent, les histoires des autres non prononcées qui deviennent des films dans ma tête, je viens pas de la ville et pourtant je m’y fond et quand on s’est connus je supportais pas ça le silence l’invisibilité la solitude, maintenant je pourrais pas vivre sans, le mouvement constant et l’impression d’être piétiné et le chaos constant qui assourdit les voix dans la tête, la ville comme entité schizophrène qui me fait relativiser mes névroses psychoses obsessions, de retour dans ma chambre et en passant par Lidl, et maintenant les immeubles sont face à moi et la mousse de la Stracciatella se teinte de gloss pêche et la cuillère aussi, les sugar rushs que j’ai jamais senti ou toujours ignoré, et qui devine en lisant mes addictions au sucre aux piments RedBull weed, est-ce qu’on peut vraiment vivre sans addiction aujourd’hui, est-ce que l’obsession la peur le contrôle la mesure c’est pas aussi addictif, et si tu peux pas te passer de quelque chose alors t’y es accro, et j’overdose de tes absences.
> 7:30 PM
Je t’aime, mais je sais pas si je pourrais coucher avec toi, j’ai pas pu y a 6 ans, j’ai pas pu y a un an et je sais pas comment développer, et en lisant ces lignes tu te contractes respires vite panique tes mains deviennent moites et tu me détestes tu fais une crise d’angoisse ou les deux en même temps, et pourtant j’aimerais t’expliquer, et maintenant que c’est trop tard ça coûte rien d’essayer, « tu couches avec les autres », oui mais non pas souvent et jamais sobre, ça c’est pas arrivé, et les autres à part D. ont toujours insisté jamais demandé comme toi la première fois et ta main dans mon vagin, et si on me demande clairement poliment sans pression je réponds toujours non, je le fais pas pour toi mais parce que ça me fait mal, tellement mal, le corps qui se déchire et simuler la tolérance à la peine blesser l’autre qui accélère va plus fort parce que les hommes pensent toujours qu’accélérer ça rend le sexe meilleur ça stimule, y a qu’une personne qui s’est jamais fait prendre pour être scientifiquement si con, c’est pas contre toi c’est contre les hommes en général, et quand un homme voit pas le désir chez sa partenaire il s’enfonce plus brutalement profondément et les gestes deviennent saccadés bourreaux ils déchiquètent et laissent aucun répit, mais non c’est pas la bonne réponse la seule réponse possible c’est arrêter communiquer demander si elle préfère une autre approche un autre rythme une pause et être prêt à l’accepter, et les hommes voient le sexe comme une consécration la performance d’une vie, et nous on prie pour pas finir violées tuées, et on a tellement à vous apprendre mais c’est possible que sans égo, parce qu’on peut pas apprendre quelque chose à des hommes blessés, tu sais être vulnérable imparfait c’est jamais être fragile, et tous les gens doués ont d’abord échoué c’est comme ça qu’on apprend, tu sais quand j’avais 15 ans à l’hôpital psychiatrique un type m’a dit que mes poèmes avaient pas d’émotions et j’y pensais aujourd’hui, est-ce que j’aurais appris sans cette phrase, est-ce qu’on forge pas nos armures dans le bois des échecs et des critiques, t’apprends vite et tu peux te permettre d’échouer, je veux coucher avec toi mais tu dois savoir que ce sera mauvais, raté parce que je suis nul et qu’on se connaît pas, pas physiquement, et on sera médiocres à en pleurer mais c’est pas grave parce qu’on s’aime, et on peut progresser, laisse-moi t’aimer te toucher et un jour on aura plus rien à apprendre, nos corps entrelacés indissociables et tes doigts qui me font jouir, ta bite qui me fait jouir et mes doigts qui ont plus peur de la toucher, et ma bouche sans hauts-le coeur, et même si t’y crois pas t’y crois plus moi je pense que c’est possible.
Ces tickets gratuits pour Fabric et je devrais me préparer, et ce soir je sortirais seul et je rencontrerais personne, souvent ça me rend triste mais je crois que je me sens moi-même, et autour des gens que je connais je disparais pas, ou je disparais trop, et puis y a cette marche, marcher dans la nuit défoncé jusqu’au club entrer seul être trop fouillé parce qu’une personne seule est toujours suspecte, surtout quand je ressemblais à une femme et les doigts des vigiles sous mes sous-vêtements, aujourd’hui c’est différent et je me demande ce qui a changé, et puis le club, le recorder audio de mon tel qui capture des sons que j’édite jamais, j’écoute jamais mais je le ferais un jour, et je sais pas pourquoi mais je sens que le soundscape des clubs me manquera, le chaos le bruit ces moments où je pisse et la sortie le retour les mêmes rues sombres et vides, et souvent je marche jusqu’à Aldgate et je prend le 15 115 N15 135, tous les bus qui vont chez moi finissent par 5, la musique à fond dans mes oreilles mais je sais plus trop quoi écouter, et je rentre seul, et je dors seul, je pourrais pas dire si c’est triste ou poétique, et mon corps qui danse pour te sentir t’effleurer, comme si je pouvais te manquer si ma transe était assez forte, comme si on était télépathes, je mentirais en disant que j’y crois pas j’y crois plus, je mentirais en disant que ça fonctionne.
> 1:00 AM
Le fumoir en extérieur de Fabric, tickets gratuits pour Weval et rien à voir avec Berghain, qu'est-ce que je fais là et pourquoi je pars pas, pourquoi je ressens rien est ce que c'est l'espace mon cœur cette foule, je déteste rien sentir, à chaque fois je me demande si je suis cassé, et partir c'est comme si j'avais tort et j'ai toujours l'air étrange à écrire dans le vide peu importe les fumoirs, et ce couple cette femme qui me parle me demande ce que je fais là et ce que je fais à Londres et quelles drogues je prends et eux qui se rapprochent très près trop près et mon cerveau sous weed parano, soit ils veulent m’enlever soit c’est des flics infiltrés soit ils veulent me pécho, alors je rentre je danse, et quand ils me rejoignent et qu’ils s’embrassent devant moi sous ecstasy je comprends mieux, et mon coeur mon esprit qui s’échauffe se met à cramer, c’est pas tous les jours que des couples dansent pour moi sur les musiques que tu m’envoies et je trouve ça sexy, sexuel et soudain je me dis que Berghain c’était tout sauf sexy, ou sexy comme l’extase et la peine borderlines, ces statues de saints sacrifiés et qui ont l’air de kiffer, on peut pas expliquer la tendresse de Londres à ceux qui y vivent pas, l’absence de lien d’amour la pression solitude et les clubs qui rassurent, réchauffent, et si Berlin détruit découpe efface ici on danse comme sous biaphine morphine héroïne et on se sent moins vide, on danse ensemble mais on se parle jamais.
> 3:16 PM
Mile End Park et le soleil qui fait presque oublier le vent, j’enlève ma veste je la remets j’enlève ma veste je la remets, comment on peut avoir aussi froid sans et aussi chaud avec, comment tu peux me manquer autant et me rendre aussi triste quand on se parle, et les oiseaux qui chantent aujourd’hui c’est l’Eid, les supermarchés et les rues pleines de garçons en panique qui trouvent pas les mangues sur l’écran du Lidl, je souris tendrement, N. me manque, l’odeur de l’herbe coupée et des pâquerettes, parce que les herbes sont jamais trop hautes trop mauvaises ici, et ces enfants qui font la roue dans le parc leur mère avec sa gerbe de fleurs, c’est vrai c’est la fête des mères et je sais que t’y penses je sais que tu lui souhaites, et dans mes rêves on passait nos dimanche allongés sous les arbres, ma tête sur ta poitrine et ton bras sous ta tête, et t’y lisais tranquillement et moi je dormais parce que je dors trop, c’est comme si je brûlais toutes mes ressources je coûte cher en essence, souvent je me demande comment t’as pu m’aimer aussi longtemps aussi fort, les autres arrêtent avant, j’ai pas assez à offrir et trop à prendre en compte.
Et soudain ce désir de te protéger te serrer dans mes bras contre mon sein et caresser tes joues du bout des doigts, toi mon amour si fier qu'il peut jamais gagner, tes victoires ont un goût de défaite et tu sais pas regarder en arrière t'excuser pardonner, c'est comme si on était Orphée et Eurydice mais qu'on était différent que toi tu te retournais pas et que je m'estompais, Orphée qui refuse de me voir de se montrer, alors le mythe s’écrit différemment et mes cris sont ceux d’un fantôme qu’on entend pas, comme si le son était un miroir sans tain, ou que t’avais retourné tes paupières.
Quelqu’un t’as brisé le coeur, je me dis, qui ça, quand, comment, est-ce que j’existais déjà, est-ce que je te pardonnerai en l’apprenant, est-ce que c’est une seule personne ou j’en ai fait partie, bien avant mon retour à Londres mes erreurs ma relation avec D., et je peux pas défaire ces doutes cette boule au ventre, est-ce que sans le savoir et loin de toi je t’ai détruit alourdi assombri, Élise et son insouciance sa jeunesse son charisme qui blesse sans le savoir et ses lèvres de pomme d’amour à la tige empoisonnée, peut-être que je préfères la version où t’as aimé d’autres femmes et aucun d’entre vous en est ressorti intact, ta jalousie leurs cicatrices et toutes ces choses auxquelles j’appartiens pas où j’ai blessé personne, parce que si c’était juste moi et que je le savais je prendrais mes jambes à mon cou et je reviendrais pas j’irais là où tu pourrais pas me chercher, si c’était juste moi je m’écroulerais de douleur de culpabilité, et quand je t’ai posé la question encore et encore et encore t’as changé de sujet.
FRANCE
FLORAC
> 9:25 PM
Le bar est vide et je repense à l’été d’il y a deux ans, le moment où j’ai quitté Bucharest et ce sentiment étrange de liberté, ce jour-là tu m’avais menti pour la première fois et je t’avais blessé pour la première fois et la confiance est jamais revenue, ni pour toi ni pour moi, est-ce qu’on a essayé assez, est-ce qu’on aurait pu réussir, et j’ai brisé ton coeur et le mien pendant que tu me fuyais, et aujourd’hui c’est étrange, je tiens le bar avec K. et ces flash-backs de l’année dernière, ces quelques jours où on est sorti ensemble et puis je t’ai demandé combien de temps t’étais resté avec tes ex et t’as refusé de me répondre mon tél est mort je pouvais pas rentrer sans lampe K. m’a hébergé on a pris de la MD je te l’ai dit tu m’as jamais pardonné, j’ai pensé qu’avec le temps tu pourrais mais le temps empire les choses et je crois que c’est dur à réaliser, ce qui est cassé est cassé pour toujours, on aurait pu marcher ensemble si on était pas deux ex enfants traumatisés, t’es la seule team que j’ai jamais eu et on sait que jouer l’un contre l’autre, marquer dans son camp et toucher l’autre en plein coeur, en mangeant les carottes de la salade que j’ai coupées en faisant le catering du festival sauf que j’aime pas les carottes K. a dit à C. qu’il mangeait plus que des légumes fermentés, on en avait parlé l’année dernière et j’ai frissonné, ça m’a fait penser à toi, t’aurais adoré K. dans un autre contexte et si je te le disais tu m’enverrais des emojis tasses de café et je flipperai, je comprends pas que ça veut dire à propos de quelle erreur c’est mais t’en sais plus que ce je t’ai dit donc t’as certainement raison, j’ai jamais été fiable et surtout quand je tombe amoureux, je flippe et je détruis et toi tu vaux pas mieux, on aurait jamais pu marcher ensemble mais ton désastre et le mien en miroirs, personne pourrait dire qu’on est pas des âmes soeurs.
Une autre soirée karaoké dans une ville qu’on accède pas en transports juste en voiture perdue dans les montagnes et j’aurais voulu t’y emmener, j’en ai rêvé si fort et plus on rêve fort plus les rêves nous échappent ils noircissent crament comme l’huile de friture quand la poêle est trop chaude, K. m’a donné Testo Junkie quand on est arrivé dans son appart sans savoir pour mon genre et j’aurais tellement aimé te dire ce que ça signifiait, mais les gestes des autres tu les ignores tu les rabaisses tu me rabaisses et je me sens coupable, et pourquoi c’est pas venu de toi, pourquoi tu m’as pas offert Testo Junkie, pourquoi t’as pas lu Testo Junkie quand je t’en ai parlé, pourquoi tu veux le monde et tu filtres tes actes tes paroles comme une passoire bouchée, et tu me manques mais sans toi je me sens vivant je souris et les gens me rendent mon sourire ils me parlent, nous deux on existe dans un monde que personne d’autre a vu et qui isole tellement, pourquoi tu peux pas me rejoindre et pourquoi tu veux pas, et mes erreurs sont arrivées après, pourquoi tu veux pas à la base, ce que tu me dis pas me hante mais je veux plus chercher essayer deviner, et les fantômes on apprend à cohabiter avec ils finissent pas plus faire peur, moi je t’aimerais toujours quand j’aurais plus peur mais je pense que t’y crois pas, aimer par la terreur pour éviter de savoir si l’autre reste sans chantage peur crainte passion, tu me connais pas je me dis, et je te connais pas mais je peux pas faire plus, des années à disséquer ton cerveau et toi qui me dit que j’ai tort que je surinterprète j’invente je suis fou, pourtant y a rien de plus logique, l’esprit comble les vides et il fait comme il peut avec ce qu’il connait, et si tu parlais plus je me perdrais moins, et je te verrais dans les yeux, ou en tout cas proche des yeux. On aurait jamais chanté de karaoké ensemble, je chante tellement faux mais avec toi j’ai pas peur et je suis insolent et c’est pas réciproque, et parfois tu me coupes dans mon élan ma spontanéité et je me sens étrangement triste, comme une tristesse résignation familière, courir en souriant et puis marcher piteusement, parfois je t’aime tellement fort que j’oublie que je dois baisser la tête faire profil bas jamais être trop et jamais trop fort, et moi je voudrais crier le monde le vomir ou le chanter, on devrait pas se contenir avec les gens qu’on aime, les mots qu’on ravale et qui coupent la gorge, les plaies sanglantes et le sang qui ressemble à du vin, on achète les silences en les décrédibilisant.
> 8:24 PM
Mon verre de vin blanc qui résonne dans ma gorge comme un sanglot long, et pourtant je bois pas souvent ou peut-être que si, je suis dans le déni, et ce gars qui me texte et que je veux faire taire, me dis pas quoi faire si je me le permets pas, c’est comme si mes gestes étaient quelque chose qu’on pouvait juger commenter mépriser et je comprends pas, des fois je veux hurler ma rage ou mépriser du regard d’un rictus, te faire entendre que je vaux mieux que toi et te piétiner de mes Salomons argentées, mes talons sont vendus depuis longtemps mais la grâce est restée, parfois je veux crier et voir le monde s’écrouler mais ça passe vite, la colère reste pas, je crois que si c’était le cas je m’autodétruirais comme un court-circuit un incendie que personne voit et où tout s’arrête juste où je surcharge brûle et m’éteint, et la colère me tente comme un bonbon acide un truc qu’on veut sucer croquer et qui colle à la langue au coeur aux gencives, j’écris debout au bar de la Salle des Oeuvres et je repense au nouveau qui l’est plus, le familier dans la routine et la routine dans ce festival de cinéma québécois où je suis bénévole depuis 6 ans, le temps qui passe trop vite mais jamais aussi vite que dans ta vie à toi, et tes journées deviennent des années, si tu pouvais partir tu le ferais pas, et t’aimes ton travail ton pays ce que je connais pas et que tu décris mal, avec mépris dédain comme si tu valais mieux, et pour moi tu vaux mieux mais pour moi tu vaux mieux que le monde, et tu vaux mieux que moi.
Qu’est-ce que tu fais, ce soir, est-ce que tu penses à moi et peut-être qu’avec du temps libre tu me sens entre les lignes les secondes tu regardes mes films suis mes conseils et peut-être que mon visage existe dans les nuages de ta vie sans soleil, les traits acérés dessinés et le coeur en coton, et quand tu penses à moi ma peau bourdonne, est-ce que j’hallucine ou je te sens vraiment, est-ce que ça change quelque chose de le savoir, et je me demande avec qui t’es comment si elle peut te sucer te baiser si elle est mieux que moi plus mature plus stable plus féminine et mes épaules se voutent, moi je serais jamais assez, comme une demi personne mais trop intense, la moitié la plus compacte de l’histoire des gens découpés scindés schizoïdes et je soupire au moins j’écris mieux qu’elle, et tes enfants dans son utérus mais j’écris mieux qu’elle, ton sourire dans le sien mais j’écris mieux qu’elle, vos deux corps en cuillère dans ton lit que j’ai jamais vu entier mais j’écris mieux qu’elle, j’écris mieux qu’elle mais ça me rend pas plus heureux, y a que les vrais hommes qui gagnent avec des mots.
> 8:27 PM
Suede dans mes oreilles sur la place de la Genette Verte, et à la fin peu importe le nombre de personnes rencontrées regards sourires cris peine chaleur profondeur superficialité erreurs échecs chemins qui bifurquent je m’assieds toujours seul, l’empreinte de mes fesses sur tant de bancs et rien pour les y graver, la mémoire des lieux et des soirées à pas savoir quoi dire, observer les autres vivre et rester en retrait, c’est comme si j’y avait pas ma place, que j’y arrivais mal, et puis je sais pas retrouver les gens me battre essayer ou peut-être que j’essaie trop et trop intensément mais pas dans le bon sens la bonne direction, l’odeur des frites et les dialogues que j’entends et qui m’échappent qui me donnent l’impression que c’est pas grave de pas exister si le reste du monde le fait mieux que moi, parfois je me dis qu’en existant je pourrais que tâcher noircir détruire, et qu’en dehors des choses au moins je reste neutre, comme une voiture qui pollue trop et qu’on veut plus conduire, qui s’enterre sous les feuilles la neige la terre la boue les araignées les nids les chats, et pourtant je me demande si on peut vraiment vivre comme ça, et même les marges tournent en rond elles gravitent vers le centre et on en fait vite le tour, et puis personne m’y oblige c’est dans ma tête, et toi et moi on sait que c’est faux, toi et moi on est les mêmes et si je sais pas comment, et j’étais seul sur mon banc avant de te croiser, maintenant je suis seul avec les fantômes des empreintes de tes fesses et ça fait toute la différence, j’aurais pu accepter le silence avant toi mais il crie trop fort, le négatif photo d’un absent dans une chambre noire, phosphorescent poisseux et mes mains sont tâchées de toi à l’encre indélébile et jaune, et dans une autre vie on a fait un pacte de sang sans se laver les mains, ton poison sous ma peau et je détruis tes anticorps et ta fièvre et tu hurles, est-ce que tu ferais un pacte de sang avec moi sans te laver les mains, si tu m’aimes, fais un pacte de sang avec moi sans te laver les mains.
AUBANNE
> 2:48 PM
Marseille, enfin Aubanne et j’ai traversé le Sud de la France dans un van sous la brume, et mon covoiturage était mécanicien sur des circuits de course, on a parlé longtemps et je pense à tous ces gens que je croise et qui sont pas toi, les discussions où t’es pas et tout ce qu’on aurait pu être et qu’on a pas été, qu’on sera jamais ou juste comme tu le veux, t’as vécu 6 ans dans ma tête tu m’as accompagné dans les draps des hôtels hostels gîtes logeurs, sur les sièges des gares aéroports avions universités festivals parcs et c’est comme si t’avais toujours été là, mais que t’étais jamais venu. Dans l’amour on se rencontre à mi-chemin, et c’est une figure de style, pourquoi je comprends pas les figures de style, et là je suis à mi-chemin depuis 3 ans mais je peux plus attendre et je me demande comment ça de hausser les épaules et continuer seul, est-ce que je le fais pas déjà, est-ce que j’écris pas pour ça.
> 8:11 PM
Ce soir comme tous les soirs mon coeur se pince, et ton absence est aussi lourde que le sac à dos que j’ai toujours porté sur une épaule et jamais sur le dos, le poids de mon ordinateur ma batterie externe mes chargeurs pochettes surligneurs stabilos caméra, et si j’ai pas de taff pas d’études au moins la culpabilité a une charge, elle quitte jamais mes épaules, pourquoi c’est toi que j’aime et pas quelqu’un d’autre, qu’est-ce que t’as de différent, les choses sont jamais évidentes mais avec toi elles brûlent et c’est ma faute je t’ai fui à l’époque où tu voulais que je reste, les jambes d’une jeune femme de vingt ans qui courent plus vite qu’elle et sans destination, je me suis trompé et on peut pas revenir en arrière mais parfois j’aimerais ressentir moins fort, que ça s’estompe ça passe en arrière plan, aimer si fort c’est un don et une malédiction, quand on aime on écrit des poèmes des livres ou on se suicide on finit interné, et je sais que c’est pas vraiment sain, je crois pas qu’on aime au point de disparaître qu’on érige des statues des rêves des souvenirs quand on grandit aimé entouré, parce qu’aimer c’est d’abord se respecter fixer des limites et pas tout accepter, et j’aurais tout perdu pour quelques heures de plus à nager dans tes yeux, troquer ma vie ma carrière et les ambitions que j’ai oublié pour manger dans tes mains, à tes pieds, si passif si soumis ça me dégoûte, et comment on change quand on sait ce qui va pas, comment on devient un homme fort, est-ce que je veux vraiment cette force, l’intransigeance d’une personne seule, si y avait une balance dans l’équation je sauterais dessus, oui mais si je sautais sur la balance elle se déséquilibrerait, faudrait que je saute sur un vide un poids léger et que la charge en face pèse comme mon sac sur mes épaules ma culpabilité, je suis pas sûr que ce soit mieux.
Je me demande souvent ce que tu ressentirais en me lisant, même si pour la première fois j’écris plus pour être lu, la submersion la colère la tristesse l’impression d’avoir été que ça, une ombre noire et destructrice et l’injustice, comme si l’histoire avait qu’un côté, et c’est vrai c’est pas juste mais je connais pas ton nom ton employeur ton adresse, je sais pas combien de temps ont duré tes relations qui sont des amis à quelle fréquence tu les vois ce que tu fais quand on parle pas comment tu t’habilles ce que tu manges ton fond d’écran ta chambre ta cuisine ta salle de bain si tu vas travailler en vélo bus train moto ou à pied, et je pourrais parler de toutes les petites choses qui font que je t’aime si cruellement fort, celles que je ressasse quand j’ai du temps libre et qui me donnent envie de fondre en larmes ta beauté ta douceur ton rire stupide tes joues rouges ta maladresse ta candeur, et ton amour, si visible impressionnant, tu pourrais dire ce que tu veux tu m’aimeras toujours c’est tatoué sur ton front tes lèvres et tes jambes, littéralement, des pages et des pages que je peux pas écrire parce qu’elles sont trop vraies et tellement à vif, et je sais toujours pas ce qu’un garçon letton pouvait bien faire à Londres en 2019, qui sont ces filles avec qui t’as couché et pour lesquelles tu m’as dit un jour qu’elles étaient plus petites plus minces, y a toujours une fille plus petite plus mince, et même si je suis plus Élise Lysandre s’en rappelle, jamais être assez mais essayer beaucoup trop.
LONDON PT. 3
> 12:28 PM
Tu me quittes pour toujours dans un silence et sans un souffle, et je me dis que toujours c’est long sans toi, je te supplie et je me hais pour ça, parfois j’aimerais être froid, et fort, mais si j’étais froid et fort je pourrais pas écrire, si j’étais froid et fort j’en aurais pas besoin.
Le début d’une nouvelle vie, et si je survis à ma peine je survivrais à tout, un pas après l’autre, c’est pas si simple pour un garçon qui connaît ni sa droite ni sa gauche, je voudrais pleurer mais je l’ai déjà fait hier, avant-hier et ce matin, mes yeux sont secs et ma peau desséchée, est-ce que ton coeur s’est serré un peu ce matin en réalisant qu’on existerait plus, ou est-ce que tu l’as acté depuis longtemps.
Le texte tourne en rond, je tourne en rond et je m’épuise, raconter la même histoire mais jamais pareil et je me demande c’est quoi l’inverse, marcher tout droit s’arrêter zigzaguer, et puis tout ça vaut rien sans tes mots ton point de vue, oui mais toi t’écris pas vraiment, tu m’as fait un poème un jour mais ce jour-là j’ai voulu me tuer j’ai noyé mon portable, une histoire d’amour qu’on a pas archivée et dont il reste que les mémoires bancales biaisées vacillantes.
> 7:19 PM
Tu me réponds pas et je panique, pourquoi je panique je le savais, et les jours sont ok la lumière le bruit c’est la nuit le plus dur, dormir seul et un vide impossible à combler, et quand j’ai essayé tu me l’as jamais pardonné, des bras qui m’enserrent et me protègent et des bouches dans les oreilles qui murmurent que ça passera, que j’y arriverait, j’ai besoin d’être aimé mais je veux pas te perdre, est-ce que je te perds pas toujours à la fin, quoi qu’il arrive, est-ce que je peux gagner un peu ou au moins du répit, et dans ma tête y a toujours cet appart plein de rires et de tendresse où on vivra jamais et dont je pourrais même pas payer le loyer aujourd’hui et c’est ça qui fait le plus mal, me demander ce qu’on aurait pu être quand tout ce qu’on a été c’était des hypothèses qu’on a jamais vérifiées, est-ce que je mérite d’être aimé, est-ce qu’on peut me serrer fort.
> 10:27 PM
Je crois que j’ai compris la leçon, l’égo qui se brise sur le sol parce que même moi j’en ai, et soudain je réalise que je peux plus t’écrire, je peux plus t’aimer après avoir supplié, mes sentiments écrasés sous tes semelles et quand je te demande si tu veux fermer ce chapitre tu m’ignores, je te supplie me laisse pas dans le flou, et plus je te supplie plus le cercle se referme sur moi, je peux plus respirer je peux plus continuer, tes silences sont des lames et je me suis assez coupé, et même imparfait détruit instable toxique égoïste et sans prendre soin de moi je méritais une réponse, les portes battantes que tu fermes jamais et qui me claquent à la gueule laissent passer les courants d’air me gèlent le sang mon nez qui coule la fièvre, j’ai pas besoin de toi et je vais rechuter mais déjà je peux mettre des mots dessus, je t’ai aimé comme on aime qu’une seule fois, et je t’ai cru comme on ne croit qu’une fois.
Et maintenant, à qui j’écris, doucement je murmure, j’ai toujours parlé des hommes aux hommes et l’amour m’a sauvé, quand on aime aveuglément on efface tout le reste la violence les viols la dépression, et j’ai aimé comme dans les livres les films les histoires qui se finissent mal ou trop bien, qui s’arrêtent avant la vraie vie, pour fuir la réalité me donner du courage, quand on aime on peut traverser la terre entière, on le fait pas pour soi quand on naît fille paumée dans la campagne, peut-être que je devrais te remercier, tu m’as donné la force et puis la peine qui font des oeuvres d’art, et la force sans la peine ça aurait sonné creux, je façonne dans la peine des châteaux en Espagne des sculptures de déchets et des rêves que je regarde de loin, et la peine elle dure jamais toujours, faut juste éviter d’y replonger tout le temps, peut-être que tes silences me sauveront, peut-être que tu le sais, peut-être que tu te tais parce que tu m’aimes encore un peu, et qu’aimer l’autre c’est le laisser partir. Je ferme un chapitre, je me dis, je ferme la porte et je l’ai jamais fait, personne m’a appris à le faire, et la poignée est lourde et mon coeur est lourd mais je me remercierai un jour, Élise serait triste mais Élise est plus là et Lysandre a appris dans ton ombre tes absences, Lysandre est droit mais Lysandre est dur, Lysandre vacille mais Lysandre reste quand tu pars, et il écrit les mots que tu gardes pour toi, un pas après l’autre, et c’est plus simple la porte claquée sans avoir à se retourner s’arrêter, c’est comme Orphée qui espère plus et qui se lance dans le monde avec sa guitare et ses chansons, Eurydice dans la possibilité d’un amour qui s’est écrit qu’en pointillés et dans les questions que j’ai voulu posé que t’as décidé d’ignorer, Eurydice était morte dès le départ et nous on a jamais vraiment existé ensemble, et si Orphée choisit de vivre moi je choisis de respirer.
> 8:48 PM
Peut-être que j’ai écrit une fugue sans le savoir, tes armes dans le silence et les miennes dans les mots, j’écris qu’en cas d’urgence et quand je peux plus faire autrement, parce que dans chacune de mes phrases j’aime un peu moins ou je pense un peu plus, et j’ai disséqué démystifié un conte que j’ai prié pour pas avoir à coucher sur papier mais je l’ai fait quand même, et rien ne s’est passé pas de grandes chutes de déclarations, un texte entier sur ton silence et l’espoir qui persiste s’estompe vacille tu m’as pas retrouvé t’as pas bougé changé, ton nom comme un pilier dans lequel je fonce constamment, et puis un jour je pars, même si t’es parti avant, et je reviens pas, des années à passer à couler au fond de l’eau sans faire de bulles et je m’éjecte du bassin avec mes deux bras comme à l’époque de la natation du triathlon, je sors et je replonge plus et je laisse derrière moi la piscine en feu et ses démons qui bouillonnent, ton nom que je connaîtrais jamais et ton job que je connaîtrais jamais, ta chambre que je connaîtrais jamais et le nombre de tes ex que je connaîtrais jamais, les mystères les masques qui rongent comme de l’acide, et tu m’appelles dans l’ombre mais je me retourne plus, Élise devait comprendre pour partir, c’est pour ça qu’elle partait jamais, Lysandre accepte de pas savoir, il s’est construit sur les doutes et les silences, la solitude et les phrases qu’on finit jamais, et ceux qui croiseront, aimeront Lysandre t’aimeront tous un peu, on devient les chagrins qui nous collent à la peau, on les porte comme une peau écorchée vif, une battle jacket de cicatrices, la peau-punk en patchwork et ton nom tatoué sur l’épiderme mais je t’appartiens plus, j’appartiens au futur.
BANGKOK
> 6:07 PM
Dans le bus de Chiang Mai à Bangkok je repense à toi, N. me dit qu’elle voulait pas d’enfants avant aujourd’hui mais qu’elle a changé d’avis et je sais que j’en aurais pas, je l’ai toujours su mais personne m’a jamais cru, et je me demande qui sont les gens comme nous qui se condamnent à l’exil et à la solitude, s’il en existe d’autres parce que jusqu’ici j’ai croisé que toi, et si on va sortir de la terre des forêts et des villes un jour comme des zombies qui savent plus aimer ou sourire et contaminer le monde de nos coeurs gris, tordus, qui pouvaient être fixés mais qu’on a préféré laisser pourrir en haussant les épaules, parce qu’on vit pour le plot et le récit et qu’être damné c’est poétique, ou peut-être qu’on avait peur de briser les autres, ou qu’on savait pas leur parler, ou qu’on a grandit avec une dysmorphophobie de l’âme, un truc où on se voit en monstre alors on se fout des muselières et des camisoles et les cernes grandissent parce que l’auto-médication c’est épuisant ça coupe des vivants, et si on était pas pires que les autres, t’y as pensé?
> 9:48 PM
Bangkok un 30 mai 6 ans plus tard, le voyage était pas planifié mais ça fait des années que plus rien n’a de sens, 6 pour être exact, et la pluie torrentielle et chaude l’orage les éclairs la sueur l’air conditionné l’eau non potable ma peau acnéique les piments le porc bouilli les gâteaux à l’ananas distribués par le chauffeur de bus les couverts sous plastique les resorts de luxe bookés par N., les rooftops trop chers et qui passent les mêmes musiques depuis 5 ans pourquoi personne joue jamais rien de nouveau qu’est-ce qui s’est passé et danser m’amuse plus les shots gratuits les verres gratuits et l’amertume dans la gorge, N. comprend pas qu’on puisse baiser pour l’argent et N. comprend pas non plus qu’on puisse être trans et je me sens trahi, N. et toi vous m’avez appris la tolérance mais ça fait longtemps que vous y croyez plus, et je vous vois vieillir et ça me fait peur, est-ce que je suis comme vous est-ce que vous pensez pareil, et quand j’ai laissé N. dans le taxi je me suis demandé si c’était la fin on sera plus jamais comme avant deux jeunes femmes dans les nuits glacées et trop de vodka dans le sang et des robes trop courtes des maquillages trop vifs les week-ends à sortir et la semaine à étudier, enfin pour elle, moi je suis toujours sorti la semaine, et si devenir mature c’est construire des ponts et puis les renforcer je préfère mon silence et ma solitude ma vie sans règles et le chaos que j’arrive pas à réguler, l’odeur de la nourriture indienne des gérants de l’auberge de jeunesse et mes pieds nus sur le canapé le ventilateur dans les yeux mon petit frère est à Riga et moi je suis si loin, et je t’ai perdu mais je veux plus me perdre est-ce que tu m’aimeras toujours quand je serais stable ou ça t’intimidera, au fond de moi je connais la réponse et je performe l’errance comme une berceuse familière qui t’endort et te rassure, j’ai toujours protégé les hommes même s’ils l’ont jamais compris, je crois pas que l’inverse soit possible, je crois pas que je le veuille vraiment, est-ce que je rentre à Londres ou je retourne à Montréal, le doctorat m’a accepté mais ça sonne plus comme une victoire, Élise voulait devenir docteure mais Lysandre sait plus trop, est-ce que j’abandonne ou je m’affirme, je me claque la porte sur les doigts ou j’en ouvre une nouvelle, et pourquoi y a que le futur qui peut le dire, pourquoi je peux pas deviner sans essayer, le destin comme un jeu cruel dont j’ai pas bien suivi les règles, et je sais pas grand chose mais quoique je décide tu me rejoindras pas, cyniquement la liberté a toujours un goût de bile et de sacrifice.
T’es allé à Bangkok et au Laos et au Vietnam et peut-être que t’y a aimé quelqu’un, et pour la première fois je me demande plus ce que t’as vu fait goûté pensé senti, j’ai plus de repères et trop essayé et les fantômes du passé tirent sur ma peau la vieillissent comme un anti-collagène, une machine à produire des cernes et des rides, hier dans le bus mon voisin de siège voyageait avec 120kg de statues et talismans de Buddha et j’ai voulu te l’écrire, à la place je l’ai dit à D., iel m’a rappelé dans le 7-eleven quand je cherchais du gel douche, et pour l’instant ça suffit mon coeur tombe plus en chute libre je suis juste triste, je crois pas que la tristesse partira un jour mais je peux vivre avec, comme une mélancolie tolérable une musique un peu entêtante enivrante poétique, l’échec d’un amour qu’on pensait plus fort que nous-mêmes, mais nous on est toujours là, juste plus dans l’histoire de l’autre.
J’aurais aimé t’écrire dans les chambres d’hôtel bookées par N. mais j’ai pas pu, les gens écrivent des livres dans les chambres d’hôtels parce qu’ils s’y sentent seuls qu’elles sont impersonnelles et ça m’a bloqué, comme une sorte de détresse superficielle et que je pourrais pas expliquer, qu’est-ce que je faisais là et pourquoi je croisais personne, et quand je suis parti la chaleur du bus les moisissures sur la clim la tête de mon voisin sur les épaules les toilettes qu’on rince à l’eau stockée dans un sceau le ventilateur trop fort de l’auberge de jeunesse les ronflements la sensation d’errance ça m’a rassuré, et je t’écris d’un monde où les gens sont paumés et je suis au milieu et c’est mon monde, pourquoi je voudrais le changer, les yeux dans le vide et qui se fixent sur les pales du ventilateur, dans tellement d’autres vies j’ai rêvé qu’elles me décapitent, les pensées lugubres qui disparaissent s’estompent, et maintenant c’est juste des pales de ventilateur rien d’autre, et ton prénom juste un prénom, c’est plus celui d’un ange, ou alors d’un ange déchu depuis tellement d’années qu’il arrive plus à voler, ça change rien à l’histoire que t’aies été un dieu, Martin, qu’est-ce que t’es devenu.
> 7:24 PM
Assis en tailleur sur le seuil de l’auberge dans la rue et la pluie dégouline des balcons câbles terrasses et mon humeur comme la saison des pluies passer du soleil aux torrents en quelques minutes on sait que ça va arriver mais on sait jamais quand et ça surprend mais on est préparés on vit avec, et la boue la chaleur les odeurs des égouts les stands de street food dans la rue les crevettes crocodiles toujours le porc bouilli sauté les piments N. m’a dit qu’elle avait pas vu de sans abris mais y a jamais de sans abris à côté des resorts et sous les ponts j’y ai pensé, on cache la vermine ou elle se range toute seule là où elle prend pas de place, et sous la pluie qui tombe je me dis que j’aurais aimé t’embrasser sans sac sans tél et avec toutes ma bouche et mes larmes et jusqu’à ce que le ciel se calme que les nuages se vident, est-ce que tu m’aurais laissé faire personne me laisserait faire mais on s’embrasse pas tout seul ou alors on est fou, est-ce que je serais pas plus heureux si j’étais fou, ou quand je serais fou. Le cappuccino amer du 7-eleven et cette soupe de dumplings congelée, le réceptionniste de l’auberge me propose des cigarettes indiennes et je refuse, ça étonne toujours les autres que je fume pas surtout en tant que français, c’est étrange comme je tolère la peine mais j’aime pas les brûlures dans la gorge et les brûlures du sexe, et on a tous nos paradoxes mais les miens ont toujours l’air plus durs à comprendre, c’est comme si j’étais universellement dans les marges ou universellement bizarre, et je soupire je sais que tu ressens ça aussi, les voitures passent à mon niveau sans s’arrêter et c’est comme si j’étais plus là, et les films en Asie soient remplis de fantômes, de gens qu’on traverse sans voir et qui traversent le monde sans y être vraiment un pas après l’autre un jour après l’autre et rarement plus loin que leur quartier, et des posters du monde dans leur chambre la pop occidentale les fast-food tiktok, et la pluie s’arrête pas mais j’ai fini ma soupe mon café, et quand je partirais elle sera toujours là et pour des siècles encore, alors j’ouvre le couvercle plastique de mon thé aux chrysanthèmes et je me dis qu’il y a encore tant de goûts que je connais pas et que je les connaîtrais jamais tous, et je pense à ton sperme que j’ai jamais goûté, est-ce que ça aurait changé quelque chose si je t’avais léché bu jusqu’à la dernière goutte, et dans quelques jours je serais de retour à Londres et la Thaïlande deviendra une carte postale un souvenir comme un autre j’ai tellement vécu mais y a pas assez de place dans ma tête pour m’en rappeler, une carte mémoire saturée ou des archives qu’on pense pas à revisionner et qu’on finit par perdre, et j’écris bien mais qui lit encore aujourd’hui, il y a trois ans je pensais qu’on se marierait que je serais ta femme que ça durerait toujours, et maintenant je sais plus, est-ce qu’on se reparlera, qui on est l’un pour l’autre, et comment on se croise par erreur quand on vit pas dans le même pays et que tu fais tout pour m’éviter et que je fuis trop loin, et si j’arrêtais de provoquer le destin pour une fois. Les piqûres d’insectes sur mes pieds et je les gratte distraitement, qu’est-ce qu’il restera d’un voyage non planifié et où j’ai fait qu’errer, mais qu’est-ce qu’il reste du voyage de N. en forme de to-do list, et pourquoi on sait plus s’ennuyer prendre notre temps et je me demande comment on peut créer vivre aimer quand tout est planifié, la vie arrive que dans les marges d’erreur en tout cas la mienne, ou peut-être que c’est parce que mes marges sont trop larges elles laissent passer les courants d’air et les paumés, et qui aurait prédit qu’à 27 ans j’écrirais sur le gazon artificiel d’une auberge à Bangkok, toujours pas de carrière et mon skin-face médium mes capsules d’ongles que j’ai pas réussi à retirer la voûte plantaire cornée et le monde qui s’écroule, et si le monde s’écroule ce texte disparaîtra, mais pour l’instant tout tient encore, et j’en suis reconnaissant.
Sur le rooftop de l’auberge, parce qu’il y en avait un, et les draps multicolores qui sèchent face à moi le sol poussiéreux les chaudières et leurs tuyaux les balais premiers prix ce mec qui travaille sur son ordi au milieu des câbles et des bouteilles d’eau le bruit de la ville en arrière plan et j’ai l’impression d’être un drôle d’oiseau un peu déplumé en sueur et les pieds sales, est-ce que les gens se demandent ce que j’écris qui je suis c’est quoi ma vie et est-ce qu’il y a seulement quelque chose à se demander, qu’est-ce que je vaux et est-ce que tu le sais mieux que moi et t’as peur que je le sache trop fort et que je parte, ou est-ce que j’ai autant de valeur pour toi que le Baht face à la Livre Sterling, un truc trop gros trop épars et pas assez précis, l’économie du langage et de la vie et je suis toujours dans l’excès, et pourtant je me suis calmé j’ai vieilli est-ce que tu le sens, et c’est quoi tes samedis sans moi, avant j’aurais prié pour que tu danses pas baises pas ries pas maintenant je donnerais tout pour que tu le fasses, on se laisse pas mourrir à 31 ans parce qu’on a plus d’espoir et l’amour ça devrait pas être regarder l’autre s’éteindre impuissant, relève toi et bats toi, je sais que tu peux encore le faire, je sais que tu le feras pas.
Et si je retournais à Montréal je finissais mes études je devenais docteur, j’y pense pour la première fois depuis mon admission et la neige me manque, la simplicité et aussi le silence, plus attendre tes messages de l’autre bout du monde, et quand j’ai tapé L. dans le programme du doctorat la dernière fois j’ai vu qu’il avait fait sa thèse sur les espaces liminaux et ça m’a fait sourire, non plus que ça j’ai vu des fantômes et des étincelles dans les rues de Bethnal Green, comme à l’époque où on galérait à trouver un sujet et qu’il me serrait dans ses bras sur son lit en parlant de liminalité, et moi je savais pas encore ce que c’était, quand on est queer on est chez soi nulle part, et quand on voyage trop on est chez soi nulle part, alors pourquoi on passe nos vies à affirmer notre place écrire des thèses des livres des projets qui intéressent personne qui nous connectent au monde comme une ficelle un string qui craque à la première pression.
> 3:51 PM
La saveur du chocolat glacé à la menthe me donne la chair de poule, pourquoi j’aime tellement ça, et les Garfields dans la vitrine du café me narguent en thaïlandais, et ici tout est calme et hors du temps, c’est comme si la Thaïlande avait quelque chose à m’apprendre mais que je le comprendrais pas tout de suite, et je me demande si ça te manque, le calme serein, la Lettonie est calme mais comme on l’est quand on a plus d’espoir, quand on croit plus en rien, et je crois plus en grand chose depuis qu’on est proche, et encore moins dans tes silences et nos conversations espacées, et pourtant je pense pas que ce soit définitif rien n’est jamais définitif sauf ce qu’on peut pas anticiper, et est-ce que je devrais t’envoyer le manuscript ou essayer de le faire publier, vouloir le publier c’est de la folie et penser qu'il te touchera du suicide, et demain je retourne dans cette ville où personne m’attend et où j’ai rien construit.
> 8:11 PM
On a 27 ans qu’une seule fois en Thaïlande, et on est pas sérieux quand on a 17 ans, et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade, à 17 ans j’étais sérieux comme les gens qui ont trop vu trop tôt et si tu me demandes pourquoi je fais tout ça trop tout le temps jusqu’à l’épuisement je te répondrais que j’ai pas choisi ma vie son mythe originel, et que la noyer sous l’expérience, tellement d’expérience qu’on en oublie le passée les traumas c’était peut-être ma seule option, et tu diras que j’ai tort que c’est dangereux mais quand tu penses à moi tu penses à Londres Berlin les drogues l’argent dépensé l’insouciance, pas à Lysandre qui était pas encore Lysandre dans sa campagne et les viols la violence, et quand le mythe est trop fort il faut une toile de maître pour l’effacer, du talent de l’audace et j’ai pas ça mais si j’essaie pas qu’est-ce qu’il me reste? Est-ce que je reviendrais un jour et quand, et je me pose jamais la question quand je quitte un lieu parce que la réponse est trop dur à entendre, et si je reviens c’est par hasard accident, et des années passées à croiser des gens qui restent pas et chacun de mes souvenirs s’écrit au passé c’est comme des portes qui claquent et des avions qui volent et tout disparaît recommence encore et encore, et des garçons souriants dans des chambres vides dans des villes trop grandes y en a eu beaucoup trop, mais y a que le premier qui compte, et je te cherche toujours dans les premières rencontres, c’est peut-être pour ça que je te trouve pas et que je trouve jamais les autres, ma canette de bière est vide et les voyageurs vont et viennent s’asseyent à côté de moi flirtent discutent et je crois que je fais partie du paysage, Lysandre sur le gazon artificiel et les sacs oranges du 7-eleven éparpillés autour la weed de ce mec dans le cendrier les crocs devant l’entrée trop de crocs de tongues de baskets et toujours la pluie, et si j’avais l’argent je me ferais tatouer Lost in translation sur le bas du ventre pour tous les ratés et les miracles de plus parler ma langue de pas non plus parler celle de l’autre, on s’est perdus dans la traduction, on se serait perdus sans la traduction, et j’ai toujours pas appris le letton j’avais dit que j’essayerais mais comment on s’approprie un pays qui veut pas de nous, tu me manques et je sais pas le dire avec tes mots de tous les jours.
JEDDAH, PLANE
> 12:05 AM
À l’aéroport de Jeddah, et j’aurais jamais pensé traverser l’Arabie Saoudite et encore moins avec des vêtements d’homme et les cheveux courts, et les femmes me sourient toujours peu importe l’endroit et parfois elles me disent qu’elles m’envient ou que je suis courageux, on oublie trop souvent à quelle point la liberté est conditionnelle, et je repense à ces femmes fortes et trop grande gueules que j’ai rencontrées la gérante de l’auberge de jeunesse à Tirana la réalisatrice de ce film autochtone à Vues du Québec et à quel point on est seule quand on est engagée et encore plus quand on trace le chemin pour les autres, et ces femmes sont alcooliques et tellement seules mais faut pas les blamer, et je les blâmerais jamais, qui le serait pas en se battant contre le monde entier et les systèmes patriarcaux comme des clous sous les pieds et des ronces sur les jambes, et l’alcool ça anesthésie les plaies mais ça permet surtout de plus penser, et quand tu vas plus vite que les autres et que tu te retournes alors tout est hostile et tu t’effondres sous le poids de tes convictions et le jugement des autres surtout des hommes et de celles que les hommes manipulent enferment aliènent, et j’admire ces femmes de tout mon coeur mais j’aimerais exister sans imploser, c’est pas comme si j’étais sur la bonne voie de toute manière, et les hommes flirtent avec moi parce que je suis différent, et les hommes veulent la conformité et quand ils l’ont ils vont chercher ailleurs et cet ailleurs c’est moi, l’oasis rafraîchissante des religieux et des conservateurs, un trophée qu’on baise et qu’on exhibe devant ses potes mais qu’on présente jamais à sa famille, une fierté et une honte, est-ce qu’on peut me reprocher mes phases bipolaires quand elles imitent le monde les hommes, et avant d’être un homme j’ai toujours été sage et studieuse, c’est juste que j’ai des gros seins, et qu’avoir des gros seins dans les sociétés occidentales c’est être une fille facile les exhiber pour plaire, hé mais j’allais pas les couper, honnêtement j’aurais préféré je demandais que ça je demande encore que ça et je jugerai pas l’Arabie Saoudite le monde le fait déjà à ma place et souvent en jugeant on infantilise et dire que les femmes sont réduites à leur voile condition c’est les réduire à leur voile condition, et j’ai rarement vu des féministes prendre un café avec des femmes voilées c’est comme si le voile les rendait stupides soumises inéduquées, après je viens d’un pays qui l’affirme sur les bancs du Parlement à l’Élysée, et pourquoi on débat pas aliénation avec celles qu’on défend le paternalisme est pas qu’une question d’homme c’est une question de classe, de race et de religion.
> 3:06 PM
Deux petits-déjeuners plus tard il aura été 8h trois fois en Thaïlande à Jeddah à Londres et je pense au petit prince sa rose ses levers de soleil, est-ce que t’es ma rose ou bien je suis la tienne, mon prince ou bien je suis le tien, ton renard ou t’es le mien, j’en sais rien mais je sais qu’on vit pas sur la même planète et si je te demandais de dessiner un mouton tu le ferais pas et tu verrais des boas dans les éléphants-chapeaux, t’es trop sérieux pour moi mais moi je divague trop et les comptables banquiers chefs de projet informaticiens ça rassure canalise et ça étouffe aussi, parfois j’aimerais qu’on me prenne la main et qu’on court sans faire semblant sans esthétiser, des milliards de possibles et pourtant on suit tous les mêmes routines et même lever la tête changer de playlist ça paraît impossible.
LONDON PT. 4
> 10:24 AM
Ma chemise Charles Tyrwhitt sur la banquette du dernier rang du bus, 23 degrés mais ressenti 28 et j’écris en tank top mes bagues en argent heurtent le clavier le RedBull dans mon sac refroidit et le D6 est presque vide, tellement de détails que j’imaginais pas vivre seul, et pourtant ça paraît logique, si t’étais là j’écrirais pas et si j’écrivais pas je disparaitrais ou je serais heureux sans pensées intrusives overthinking et le monde s’écroule mais on fait comme si on le voyait pas, et si plus rien parait normal on se convainc qu’y avait pas de normes, y a jamais eu de normes, entre la résilience et la stupidité y a jamais eu qu’un pas, et quand on vit en Angleterre en France on confond résilience et privilège de classe, les lettres de motivation me font paniquer je manque d’air, et puis je me dis que sans argent je pourrais pas acheter les Dimitry de Tom Ford, le matérialisme s’ancre dans quelque chose un but un objectif, et pour quelqu’un qui rêve de thèses et d’inconnus à l’autre bout de l’Europe c’est presque comme un progrès, un progrès un peu triste un peu cynique, et quand je régresse c’est là qu’on m’applaudit me comprend.
> 3:00 AM
Debout dans le fumoir de Steel Yard, le tabac et les pavés mouillés, et tous ces gens autour, et j'aurais pas dû être là, et mes oreilles bourdonnent et j'entends rien, la trance et le mur du son, ce soir j'ai pas pensé à toi juste à la musique comment elle transperce tout, et tout existe dans la musique mais toi et moi on y existe encore plus, et une fugue c'est danser ensemble sans jamais se croiser s'encercler s'effleurer spiraler et disparaître dans des échos qui sont des puits et des trous noirs, on s'est croisés dans un monde parallèle mais c'était pas celui là, toi et moi et les silences malédictions, et je préfère me dire qu'on est maudit plutôt qu'admettre qu'on détruit tout qu'on sait faire que ça.
> 1:03 PM
Victoria Park et la chaleur est écrasante, les fesses rouges des noyaux de cerises écrasés au sol et la canette de Redbull vide le métal brûlant, je sais plus trop si je spirale ou j’avance je souffre ou je guéris mais au moins j’essaie, ces six derniers mois à courir pour pas penser à toi et les pauses me donnent le vertige la nausée, et cette fille au téléphone les pieds en l’air face à moi les couples qui s’embrassent les chiens qui tiennent plus en place les applis de rencontre qui donnent l’impression que ça peut marcher ça va marcher et puis en fait non parce que je suis trop bizarre, ou que personne sait plus comment aimer s’engager qu’on vit dans des trous noirs et des zones d’ombres et que peut-être on est mieux seuls, je remplace mon lit par un hamac comme une énième crise existentielle je suis né dans un doute une question et je l’ai jamais résolu les fissures qui s’élargissent, le kintsugi du chaos ou le corps qui s’habitue aux plugs anaux et je sais pas si ça te dégoute ou ça t’excite, moi ça me dégoute et ça m’excite, et comment on peut se sentir aussi sale et propre à la fois et vouloir disparaitre, et la semaine dernière j’ai marché jusqu’à Bethnal Green Claredale House mon ancienne résidence étudiante, je sais pas si c’était de la force du désespoir mais il faisait beau et le soleil à Londres c’est l’inverse de cette nuit de janvier d’il y a six hivers, et quand j’ai matché S. sur Tinder il a drogué ma Guinness, la première que je buvais, j’ai voulu retourner dans le pub cette année avec D. mais on est sorti vite il aimait pas le bruit le monde, et ce viol étrange dans un nuage et le froid de la nuit, personne le dit jamais mais il fait froid sous GHB, comme une nuit sans neige et glacée jusqu’aux os, et S. habitait derrière chez moi alors je suis parti quand j’ai pu et je me suis juré de jamais revenir à Londres, et puis je suis revenu et je suis devenu Lysandre et le bâtiment à côté des briques rouges de Claredale House s’appelle Lysander House, le coeur qui chute un mélange de peine de deuil et d’explosion de joie, comme si tout avait un sens que les silences écoutaient les prières la vie s’écrivait dans les astres, et quand je pensais qu’à m’enfuir je connaissais pas encore Lysandre mais Lysandre était déjà là il a toujours été là, c’est comme si j’avais jamais été qu’au bon endroit, la prière d’une enfant gelée dans la nuit de Londres qui dissocie se perds et qui s’exauce un peu maladroitement étrangement, l’uncanny d’un cauchemar assimilé qui devient un point dans l’univers entouré de points plus brillants plus forts, et soudain je me sens entier complet et je t’ai rencontré trois jours plus tard et j’ai construit un monde depuis janvier 2019, si cette semaine avait pas existé tout serait différent et je serais pas là, est-ce qu’on peut ressentir de la gratitude pour un viol je décide que oui, et ceux qui diraient le contraire ont jamais été à ma place dans mon corps, toutes ces années à croire que notre rencontre était un rêve inscrit dans les étoiles un miracle une oasis que t’étais mon ange gardien ton sourire irradiant tes joues qui rougissent, et si c’était mon sourire que t’avais reflété le désespoir qui se transforme en rage de vivre en énergie, on est jamais aussi solaire qu’au moment de s’éteindre et peut-être que j’ai brillé si fort que t’as brillé aussi, et si Lysandre avait toujours été là, que c’était lui mon ange gardien, pas toi. Le vent commence à souffler la chair de poule sur mes bras nus et je pense à rentrer dormir un peu, je serais toujours là demain même sans toi, et tu sais la Guinness c’est ma bière préférée.
> 4:28 PM
Lion Coffee Shop et Grammarly qui corrige mes fautes de typo avant même de comprendre ce que j’écris, le gérant du café m’offre un Quality Street « it’s been a long time since the last time we saw you » et dans le chaos des lettres de refus messages de refus ces mecs pour qui je suis trop intense et ceux qui me veulent sans me voir, les jobs auxquels je corresponds jamais trop faible lyrique académique ou pas de compte LinkedIn de résultats tangibles dans un café à Miles End où j’achète toujours le même RedBull dans le même frigo à £2,60 quelqu’un se rappelle de moi mon sourire, le manuscript sur la table qui attend d’être relu mais je pense à toi à C. à D., un autre D. le troisième et son message qui me dit de pas rester juste parce que je veux le rencontrer, mon coeur fait un bond je sais pas si c’est le culot la résonance la colère la justesse et je veux crier que je resterais pas j’irais au Canada je ferais ma thèse lui demander pour qui il se prend pour qui il m’a pris mais la réalité fait mal et même moi je peux pas l’ignorer, ok je suis jamais resté pour quelqu’un mais bon j’ai traversé le monde rebrousser ma vie pour t'épouser alors je me mords la gencive pour pas pleurer rire, et le sang coule pas les plaies s’ouvrent pas mais je pourrais jurer que j’en sens le métal la bile amère, et la colère qui monte en moi mais c’est pas contre D. c’est contre le système, il est docteur il aurait dû comprendre pas supposer ça, si je lui avais dit la même chose il serait tombé du ciel « mais pourquoi j’abandonnerai ma carrière mes rêves pour toi », et moi je suis Lysandre mais les autres voient encore une femme et les femmes sacrifient les hommes accomplissent leur objectifs, et je voudrais hurler dans des pavés WhatsApp argumenter mais j’abandonne y a que les femmes qui argumentent pensent pouvoir résonner échouent toujours, y a que les femmes pour perdre du temps sur des causes perdues et j’ai assez donné, et je sais pas si je serais docteur un jour mais je suis plus celui qui reste est-ce que je l’ai jamais été est-ce que j’aurais pas aimé je l’ai pas fantasmé et j’ai jamais autant voyagé qu’en étant amoureux des fourmis dans les jambes et la peur d’être enchainé, vous le voyez pas mais c’est écrit entre chaque ligne, et je suis plus une femme mais y a qu’une femme pour lire entre les lignes.
> 2:48 PM
La capuche noire de ce sweat usé qui me sert d'oeillères d'armure sur les oreilles, j'attends toujours mon visa de dependant person et mon permis d'études, j'ai pas quitté Londres de l'été je pense à toi sans le vouloir la rando qu'on aurait dû faire qu'on savait qu'on ferait pas, mon repas s'étale sur la moquette cuillère tiramisu Redbull jambon fromage de chèvre et tous ces câbles tels ordis casque d'une certaine manière je vis à l'horizontal, la panique de toujours rien valoir dans une ville trop grande mais maintenant j'essaie, c'est comme semer des graines et attendre la récolte sauf que je sais pas différencier les fruits légumes des mauvaises herbes ou de la weed et puis l'Angleterre est pas réputée pour ses champs fertiles et si rien poussait jamais ou encore de travers et comment on coupe le bruit les doutes ce workshop de poésie ce soir à Victoria Park tous les chemins mènent à Vicky, c'est pas pareil sans toi mais on y est jamais allés tous les deux juste moi mes jambes lourdes et ton fantôme dans ma tête comme un brain fog qui s'efface pas tu me suis presque partout sauf avec D. parce que finalement on s'est rencontrés, la ket sur mes clefs sur le béton du pont vers la pagode de Vicky le parc fermé 3h du matin remix d'High by the Beach par Banshee je vomis dans les buissons on regarde le ciel le joint qu'il m'a fait sur mesure parce que je fume pas de trucs chauds mais c'était différent ça m'a pas brûlé la gorge, l'été avec D. comme dans un rêve trop court trop synthétique, j'étais pas son âme soeur et c'était pas la mienne, on aurait aimé ça aurait été simple mais on force pas le coeur on écrit pas des livres sur les choses simples, et cette nuit à Vicky il m'a dit que j'étais le souvenir qu'il aurait dû avoir qu'il avait jamais eu qu'il avait maintenant comme une case manquante du passé, avec D. on parlait qu'au passé, on aurait jamais pu exister.
Cette nuit j'ai rêvé de toi je vivais encore avec N. mais pas à Montréal à Londres ton message sur WhatsApp qui dit que tu viens d'atterrir je l'ai relu dix fois comme si c'était une blague un rêve je pouvais pas y croire et puis je me suis réveillé c'était bien un rêve pourquoi ça fait si mal finalement j'ai pas oublié la forme de ton visage.
> 3:54 PM
Tu me manques mais pas comme avant, maintenant je sais que je peux vivre sans toi je sais juste que c'est mieux avec toi, c'est toujours mieux avec toi, tes yeux rieurs qui rient jamais sauf avec moi et ton corps trop grand trop maigre ton sourire que tu contrôles pas et tes larmes que tu contrôles trop, souvent je me demande comment tu me vois ce que tu penses et quand j'étais Élise j'étais ta fée ta dream girl est-ce que tu te dis que je l'ai tuée est-ce que ton désir s'est estompé quand mes poils ont poussé je pourrais m'excuser pas le changer, parfois je veux te crier que t'es ma maison et que tu peux pas me virer de ta vie, que tu devrais m'aimer me vénérer me tenir chaud, et puis je me rappelle que je viens pas d'un monde où les caprices fonctionnent et si t'as froid tant pis pour toi achète un pull même s'il est moche pas cher, je suis pas une princesse un prince même si j'aurais voulu et les désirs restent des désirs, ce message vocal à ma mère j'ai toujours pas de job et je lui demande si mon nom de famille joue pas contre moi, je suis pas polonais mais je suis pas sûr que les RH saisissent la nuance elle me dit de changer prendre son nom D*******, y a pas plus français, le coeur qui se pince un peu plus est-ce qu'elle sait que je veux plus m'appeler Élise que je vais faire les démarches, et si j'étais plus M********** alors je serais plus fils de Martin tu serais plus en moi on couperait les liens, est-ce que j'ai pas déjà trop coupé et puis ce nom c'est moi trop long cabossé mal traduit et c'est mon père aussi même si on est pas proche, ma mère me dit qu'elle est grand-mère depuis deux jours le bébé de la fille de son copain elle a six ans de moins que moi, je vis dans les limbes comme l'éternel célibataire éternel étudiant éternellement perdu et personne à part toi sait que je pensais me marier c'est mon plus grand secret le voile blanc sur ma cheminée comme un adieu aux futurs qu'on vit pas j'y ai renoncé mais ça fait pas moins mal.
> 5:29 PM
Est-ce que je vais partir rentrer à Montréal les lignes d'avant connaissent la réponse et les entrées de texte que j'écrirais plus tard dans quelques jours quelques mois aussi, y a que moi qui sait pas encore et peut-être toi, qu'est-ce que t'en penses est-ce que tu me connais assez on connait l'autre par coeur juste pas nous-mêmes, t'a fui Londres mes amis sont partis les relations durent pas les dates sont décevant mais ils le sont partout c'est international, Montréal a tout la neige les lumières vives le sucre sirop d'érable les matins d'hiver enlacés dans le coton d'un lit double et dehors tout est blanc glacé et en janvier on se lèverait pas ou pour aller manger des pancakes dans un café surchauffé les rires l'amour et tout qui devient possible et si j'hésite encore entre la pluie et la vie c'est que j'ai déjà choisi, c'est juste que le choix est débile, qui laisserait passer le doctorat les galleries d'art et les contacts une langue dans laquelle publier le statut de docteur pour rester dans les limbes marges parcs vides la journée la nuit marcher trop vite trop longtemps pour pas paye TFL les noodles à 0.39£ les disputes pour l'argent cette semaine j'ai été voir The Materialist à Genesis et dedans les couples se disputent que pour l'argent c'est pour ça que les riches s'entendent bien comme des amis une transaction t'aurais été d'accord Dorothy Allison aussi et tous les pauvres ex pauvres classes populaires moyennes du monde tout ceux qui sont sur la ligne médium basse très basse pas les riches comme D. et tous les gens de Londres sauf mes dates auraient été d'accord, pourquoi mes dates sont jamais riches je sais pas l'amour c'est comme un taff d'équipe on arrive en équipe on repart en équipe et qui pourrait comprendre en cours de route l'alcool la violence l'ennui l'impression qu'on est coincés pour toujours que l'espace est rond circulaire bouché, mon sujet de master quand je t'ai rencontré sur les routes vinyles Walden et Londres c'est mon exil comme New York pour Mekas la ville des trop des pas assez, trop quand je suis pas assez pas et assez quand je suis trop, et si j'étais une femme je resterais pour les autres si j'étais un homme je partirais pour l'argent et je suis l'un et l'autre aucun des deux une femme trop féminine qui a toujours été un homme et qui en avait honte, une vie passée à s'adapter performer, un homme dans le corps d'une femme et qui se travestit les robes talons paillettes quelque chose qui sonne faux, la rage qui bout de plus en plus fort, on peut être homme ou femme ou on peut être artiste, être trans c'est transcender c'est écrit dans le mot à la racine et si je reste à Londres c'est parce que j'y ai rien et que j'y ressens tout, à Montréal j'ai tout mais je ressens que toi.
> 6:13 PM
Je trouve pas le workshop j'ai pas cherché à la dernière minute j'ai hésité je voulais continuer à écrire à qui je mens j'avais juste peur et j'ai pas pu, la panique qui m'étouffe la peur qui m'étouffe toujours l'impression de pas être assez et finir par être trop, la dysmorphophobie de l'âme des classes populaires ça devrait être une vraie pathologie l'âme est un corps comme un autre l'égo est pas le même entre toi et un trader ta mère lavait des bureaux et tu l'accompagnais, une part de moi se dit que t'as pas supporté Londres le plastique la démesure c'était pas ton monde tu t'y sentais petit et tu le méprisais et je te l'ai jamais dit mais je suis fier de toi et si t'étais resté à Londres tu te serais trahi j'aurais juste aimé que tu me prennes avec toi, et si j'aime ta morale c'est qu'elle suit pas les codes, t'es fidèle qu'aux choses qui t'importent mais elles t'importent pour toujours et je t'aime pour ça particulièrement quand elle est bancale intransigeante qu'elle existe contre moi comme un mur une barrière je peux pas t'expliquer et plus c'est contre moi plus je sens qu'elle existe qu'elle est forte, et quand tu me rejettes je t'en veux mais je te respecte, on respecte toujours un homme qui respecte ses valeurs, est-ce que j'ai jamais autant parlé de toi et de moi à la fois c'est étrange, des pages entières de texte et c'est comme si on apparaissait enfin une histoire un contexte je suis pas sûr d'aimer ça, assis sur le même banc qu'avec D. ma tête sur son épaule on a regardé les étoiles et ce soir j'ai cru voir sa silhouette son fantôme sur le pont des années à passer devant rêver d'être avec toi et pourquoi mes plus beaux souvenirs se vivent sans toi toujours avec des inconnus D. et ses tâches de rousseur ses yeux chauds et fermés des paradoxes aussi lourds que les miens les tiens et j'oublierai pas D. même si c'est terminé.
> 6:59 PM
Toujours sur le banc, ce parfum de femme si fort sucré enivrant m'étourdis et pendant quelques secondes je jure que je m'échappe je suis dans un palais tout est doré couleur miel et tout sent comme elle retour à la réalité j'ai qu'un sweat pas de veste ça reste Londres et j'ai froid.
> 12:01 PM
Sweat gris dans la Central, d'est en ouest et je me demande si on vit tous dans le même Londres ou une simulation des mondes qui se croisent pas qui se croisent mal comme ce type en costume à l'aéroport d'Helsinki quand je revenais de Riga sous acid on a couru ensemble pour pas rater la transition on l'a raté quand même small talk sur l'est est-ce qu'y a pas trop de crimes et pourquoi le small talk est toujours borderline comme une fenêtre sur les opinions insolicitées et qu'on entend quand même je m'y ferais jamais et pourtant je devrais, qui vit à Londres sans small talk.
Toi et moi on devrait pas s'écrire juste pour s'effleurer pas se perdre, on s'est aimé trop fort pour s'aimer seulement un peu et si nos vies restent séparées alors je préfères te parler dans ma tête que remplir le vide sur un écran toi et moi on aurait jamais pu échanger dans les pauses en amphi au taff devant la machine à café dans les fumoirs des clubs, et le jour où on s'est rencontré je parlais pas anglais même pas un peu on a débattu de 12 Angry Men la justice la morale, j'espère que tu comprends, et si on s'est aimé un centième de ce qu'on prétend on survivra sans mots et si on survit pas on s'aimait pas si fort.
>10:12 PM
Dimanche matin, la table du parc près de chez moi couverte de cendres de tabac et un RedBull et l'anxiété qui me prend à la gorge, est-ce que je suis assez, pas seulement pour toi, pour le monde autour, est-ce que mes mots mes images valent quelque chose, et comment s'en convaincre, un mois de septembre et les arbres perdent leurs feuilles les hommes dans la trentaine leurs cheveux et je me perds moi-même, le sentiment de couler et de jamais lutter assez mais et si c’était pas la seule option, si je pouvais me battre, avant de disparaître D. m’a offert un couteau une bombe au poivre, il m’a dit que c’était pour me défendre que j’aie plus peur des hommes et je sais pas ce que j’en ai pensé, on poignarde pas ceux qui agresse ou on paie pour deux à la fin et la violence est jamais la solution, oui mais D. m’a ouvert la porte c’est la première fois qu’on m’autorise à répliquer et le couteau est symbolique comme une main tendue un signal que j’attendais pas, et quand on me tend la main souvent je la prends pas je ferme la paume mais j’apprécie le geste et maintenant je suis libre comme Dobby et ses chaussettes et j’ai le droit de rendre les coups, c’est pour ça que j’ai plus besoin de le faire, et qu’est-ce qu’on fait quand on est libre, j’ai pas encore trouvé mais au moins j’ai la place dans ma tête pour chercher.
> 11:59 AM
Une minute avant midi et je me rappelle que j’aime écrire et c’est la seule chose que j’aime vraiment avec toi, et tes messages plus longs plus tristes et j’arrive plus à répondre pardonne-moi mon amour, je sais que tu comprends mais ça fait mal, et j’ai pas choisi le rythme la structure mais je peux me retirer m’effacer et tu seras mieux sans moi, les extrêmes que j’apporte t’auraient jamais rendu heureux et les hauts les plus intenses valent pas le coup quand le comedown est aussi fort et t’as toujours vécu dans le gris les ombres, moi mon blanc est trop pur et mon noir sans nuances, t’aimer c’est te libérer ça fait mal mais je me sens moins coupable, est-ce que je le pense ou je me trouve des excuses pour te laisser tomber, t’as jamais su ce que tu voulais et c’est pareil pour moi peu importe à quel point je me mens et les saisons passent plus vite quand on vieillit, je sais pas ce que je veux devenir c’est le paradoxe on est par essence on est jamais autant qu’en marchant respirant et devenir c’est une illusion un mensonge qu’on raconte pour pas mourir et si on fait toujours mieux qu’on va toujours plus haut peut-être qu’on peut toucher le ciel être immortel attendre ses objectifs comme forme d’immunité comme si on avait besoin d’une raison pour exister, et pourquoi tout le monde me pousse à chercher, est-ce que je cherche pas déjà assez et au moins dix fois trop, plus on cherche plus on trouve les questions pas les réponses ou des réponses qui sont des questions, et si on était heureux qu’en acceptant de pas chercher pas contrôler oui mais alors on est statique et être statique c’est mourir, est-ce qu’il y aurait pas autre chose et comment je trouve ça sans chercher, refuser les questions ça passe par poser les questions répondre aux questions l’homme s’est damné lui-même en inventant les mots le language j’écris avec comme un manteau d’encre qui déteint sur ma peau translucide, des veines bleutées qu’on voudrait piquer couper mordre, est-ce que tu savais que les lumières des hotels étaient bleues violettes pour éviter que les gens trouvent leur veines s’injectent des drogues et quand le monde perd son sens on peut toujours changer l’ampoule.
> 10:24 AM
Dans le bus pour Warsaw et c'était pas prévu, je devais rejoindre A. à Berlin oui mais le prix des hostels était pas prévu non plus la vie arrive toujours dans les fissures les moments d'inattention les changements de plan par la fenêtre les oiseaux migrateurs volent vers le sud je souris malgré moi j'ai pas compris le principe je crois, c'est comme si ma boussole interne pointait que vers le nord la pluie la neige et les coeurs froids qui peuvent pas aimer ou pas assez, la Pologne est pastel comme un tableau un peu mélancolique mais qui refuse d'être triste, parfois j'oublie que sans maquillage cheveux teints je reflète les couleurs, j'écris des fugues urbaines mais j'ai grandi dans une forêt un peu sombre, en quittant Londres hier tout le stress intériorisé explose et je réalise qu'on peut pas vivre comme ça et pourtant on le fait est-ce qu'on a le choix, cette ville me rend malade et j'aurais jamais dû la choisir pour toi mais comment on en change et pour aller où avec quel argent sur quel salaire pour quel carrière les refus m'enserrent la gorge c'est pas possible ça va forcément marcher ça doit marcher pourquoi j'y arrive pas est-ce que je vaux seulement quelque chose.
> 3:14 PM
Warsaw et tout le stress de Londres qui s'efface de l'eau salée sur des plaies qui s'infectent et le coeur à vif mais ça durera pas, je t'ai écrit une fugue et maintenant que je suis si près de toi le bruit disparaît, si c'était pas qu'une histoire sur toi si j'existais dedans aussi les trams jaunes sur le pont qui traversent la rivière me rappellent les ponts de Champagne-sur-Seine, est-ce que la fugue est moins bonne quand le narrateur cosmopolite vient d'une ville où y a rien à romancer, mon père a présenté la femme avec qui il trompait ma mère à mes frères et soeur au bar-tabac dans ma rue, les trams sur l'eau comme à Riga et les paillettes du Daugava des vidéos que j'ai pas éditées je le ferais un jour peut-être ce soir et c'est comme si on était dans un film de Miyazaki sauf que t'en as jamais vu aucun, Riga me manque et je pense à y retourner, la Lettonie m'a rien fait c'est toi qui m'a rejeté et y aller sans toi sans te parler c'est un peu pardonner tourner la page et fermer les chapitres qui restent ouverts comme la porte d'un placard qui grince et empêche de dormir les fissures dans lesquelles se glissent les fantômes et après c'est trop tard ils avancent sous la peau des implants sans technologie et la mélancolie les possibles et les anechoics génèrent du body horror où l'horreur est dans l'impuissance et les deuils impossibles la schizophrénie amoureuse et l'espoir qu'on veut pas avorter pas réprimer, qui on est sans espoir, mais on existe pas dans l'espoir on fait qu'attendre et on se transforme en fantôme on disparaît sans le voir et quand on le remarque c'est trop tard on revient pas en arrière une procédure chirurgicale sans scalpel tout est dans la tête, mais tout ce qu'on voit est aussi dans la tête, et le monde existe qu'à travers nos cinq sens.
> 2:26 PM
J'envoie ces demandes d'hébergement Couchsurfing et mon coeur est sur le point d'exploser, personne m'avait prévenu que c'était si dur d'être timide introverti enfin si tout le monde mais y a pas de remède à ça et tous ceux qui me rencontrent me disent de me forcer qu'au bout d'un moment ça passe et je ris jaune ou un peu cyniquement et ceux qui me disent ça ils ont jamais essayé autant si tu savais comme je me force enfin tu le sais mieux que personne tu vis la vie inverse le miroir ce qui se passe quand on a peur et qu'on ose pas et sans toi peut-être que j'essayerais pas tant tu me tends un miroir et le reflet est pas enviable je veux pas être coincé pour toujours je veux me battre mais parfois c'est éprouvant est-ce que c'est juste la timidité ou l'énergie que je mets dans tout ce que je fais je sais pas être à moitié moi-même mais quand on se donne tout entier le choc est plus brutal frontal et la chute est plus longue est-ce qu'il vaut mieux chuter ou vivre sur le rebord et qu'est-ce qui va pas chez moi pourquoi les images que j'utilise sont si sombres comment on résout ça et quand on regardera ma vie avec du recul on pourra pas dire que je me suis pas battu et pourtant on le dit parce que c'est jamais assez on peut toujours faire plus mais être timide à Londres sur les applis de rencontre les apps d'hébergement dans des pays dont je parle pas la langue c'est pas pareil qu'être timide dans ma ville d'origine, et ceux qui me reprochent de pas essayer prennent pas ça en compte et la résilience c'est la capacité à y croire même quand ça fonctionne pas à continuer même quand ça fait peur et qu'on se roule en boule comme un bébé, se lever et y croire le lendemain quand on perdait espoir la veille, et ma force c'est d'aimer même quand on me trahit, et d'y croire même quand on me trahit, et ceux qui me croisent pensent souvent que je suis faible naif vulnérable, si tu savais tout ce que ça demande de rester ouvert c'est tellement plus simple de tout fermer d'abandonner, et j'aimerais qu'on voit ça un peu plus le chêne et le roseau et je suis le roseau mais dans la vraie vie le roseau casse avant le chêne celui qui a écrit ça était pas très bon en métaphores, on raconte des fables et des histoires parce que ca sonne bien ça donne envie mais la réalité est plus sombre manichéenne et pragmatique, le roseau casse avant le chêne, faut vraiment être stupide pour penser le contraire.
> 9:56 PM
La lumière de la chambre est trop forte les néons qui révèlent les défauts que je peux pas cacher et en même temps tout le monde s'en fout le mec en dessous dort un autre est sur son ordi et la fille d'en face pleure enfin je crois j'ose pas lui demander si ça va je sais que je devrais et puis c'est bête comme question pourquoi elle irait bien puisqu'elle pleure, je finis par lui demander son téléphone s'allume plus son billet d'avion est dessus elle est colombienne elle repart demain j'hésite j'ai deux téléphones un que j'utilise pas mais tous mes enregistrements audios des deux dernières années sont dessus le temps de réfléchir l'écran se remet à marcher, et j'ai tellement pleuré dans des dortoirs des bus des avions des salles de classe des couloirs d'université souvent pour rien les larmes laissent pas de traces elles sont plus légères que des doigts de fées des ailes d'étoiles si elles avaient des ailes, et dans les chambres où personne parle je parle toujours un peu plus l'habitude des silences et des étrangers des gens paumés et ceux qui savent pas communiquer, la femme du dessous vient de rentrer elle sent la friture mais elle paraît plus propre que la plupart des gens qui vivent ici elle ouvre la fenêtre les traits tirés le gars d'à coté a les cheveux longs et gris attachés une chemise et les espaces liminaux c'est toujours les lieux jamais ceux qui les traversent, et pourtant tellement de personnes sont devenus des lieux à force de les porter d'exister dans les limbes et les zones transitoires, la bouteille de kefir sur le lit mon survet gris mon tank top noir et mes ongles chromes dorés mon sac sur les draps si tu voyais ça tu me trouverais sale et peut-être qu'un jour je trouverais ça sale aussi, Warszawa et le sz en forme de coeur comme dans mon nom de famille, Marcin suivi d'un coeur et le patronyme qu'on pouvait pas inventer, et partout dans le monde personne sait comment prononcer mon nom, et la manière dont je le dis est pas la bonne et je le fais quand même j'ai grandi en faisant comme ça et apprendre à le faire c'est comme changer de nom, toute mon identité dans un espace liminal perdu entre la transition de genre et la traduction.
> 7:06 PM
Samedi soir et je me sens toujours un peu seul je me demande ce que font les gens de mon âge est-ce qu'ils construisent quelque chose est-ce que ce qu'ils ont construit s'effondre, et comment on s'occupe quand son âme soeur coopère pas comment tu passes ta soirée est-ce que t'es avec quelqu'un est-ce qu'elle te fait un peu penser à moi et je ferais jamais le poids face aux femmes de ton pays ta culture comme un hybride qui intéresse mais qu'on épouse pas à la fin un visage de poupée et le coeur en porcelaine, je veux pas penser au fait que je suis pas marié je suis pas prêt de l'être, et sous le mec trans son _taper_ et sa chaîne en argent y a toujours une fille de la campagne un peu trop arrogante qui pensait que sa robe serait plus belle que celle de sa mère et qu'elle la porterait avant ses vingt-cinq ans et si tu juges ma vie ma liberté alors tu l'as jamais rencontrée tu m'as jamais rencontrée, Élise voulait se marier elle voulait juste pas étouffer voir son intelligence retournée contre elle appelée hystérie et pourquoi ça paraît impossible incompatible de croire qu'on peut aimer sans subir son destin, et si j'étais né homme la question se serait pas posée, mais si j'étais né homme tu m'aurais pas aimé et mes doigts sont trop fins pour la plupart des bagues les gants en cachemire que m'a offert P. m'allaient pas il les a ramenés échangés ca m'allait toujours pas et des doigts qui échappent à tout sauf aux tiens deux araignées qui coupent leur toile quand elle devient trop stable.
Je me demande si tu transpires quand tu la touches si tu bandes aussi fort que le jour où on s'est rencontré et si tu l'embrasses plus longtemps moins longtemps si tu la regardes dans les yeux de quelle couleur sont ses yeux est-ce qu'elle est belle est-ce que ça compte est-ce qu'elle te mérite est-ce que tu la traites bien est-ce que c'est ton premier choix ton second choix est-ce que tu l'aimes si fort que je préfèrerais jamais l'apprendre est-ce que tu la regardes à peine tu la méprises comme ton père méprisait ta mère le fantôme de sa première femme russe qui surpassait le reste, et j'étais pas la première mais t'étais pas le premier non plus ni le dernier même si j'aurais aimé et c'est quoi ma place la sienne dans une histoire écrite par celles qui ont existé avant nous qui t'ont aimé trop ou pas assez et je suis loyal mais pas comme tu le voulais je suis pas vierge fidèle aveuglément et si je donne c'est pas à vide je pouvais pas donner si tu le rendais pas j'ai traversé le monde pour toi mais t'as pensé qu'à mon corps qui t'appartenait pas et dans ton script je t'ai trop demandé jamais assez rendu jamais assez vu reconnu tes efforts, et peut-être que ta jalousie a remplacé le voile que j'ai jamais porté entre tes yeux mes lèvres comme un rideau qui t'a aveuglé et m'a fait disparaître, et si tu doutes de mon amour c'est que tu m'as pas regardé pas senti c'est poreux et ça déborde et c'est plus fort que moi tu le verras un jour mais je serais plus là une histoire plus vieille que le monde et on se pense uniques mais on est juste humains.
> 6:47 PM
Je te parle de Fisher, de Lain et d'Hauntology, du weird et du eerie, d'espaces liminaux et d'uncanny ça te fascine une part de moi dissocie s'échappe du récit je peux pas continuer t'écrire plus pas par mail pas sur insta tout cet espace je l'ai partagé avant pourquoi tu les découvres ça te surprend c'est mon sujet de thèse mes projets créatifs est-ce que j'existais si peu et j'ai aimé un fantôme mais tu m'as transformé en fantôme aussi à vouloir disparaître on oublie ceux qui vivent on les filtre ils s'estompent, et disparaître c'est effacer les autres et maintenant on se parle presque plus mais tu parles mon language mes mots dans ta bouche et Lys dans un écho, est-ce que tu savais seulement ce que je faisais de mes journées toutes ces années est-ce que tu croyais en moi comme je pensais que tu croyais en moi ou t'es tombé amoureux d'une image un reflet dans une flaque d'eau c'est comme si tu confondais la piscine avec le pédiluve et que j'avais croupi dans l'eau sale stagnante l’hippopotame du zoo de Warsaw dans son bassin étroit et je t'en veux pas mais j'étais pas qu'un corps j'avais des choses à dire je voulais être aimé partager pas juste être vénéré quand on vit pas au même endroit on se rate sans le voir on le remarque trop tard et tu m'as raté tout entier, on parle de l’esthétique du silence des fantômes de la Witch House de l’ambient comme si c’était la tienne mais c’est pas si vrai les fantômes écrivent pas ils disparaissent ils font pas des livres des films de la musique et le monde appartient aux hantés ceux qui restent observent apprennent à aimer dans l’absence à trouver beau ce qui manque à disparaître un peu pour te permettre d’apparaître quand tu veux.
> 1:29 PM
Assis sur le sol de la laverie comme à P8 à Claredale House et dehors il pleut, le tambour tourne comme si sa vie en dépendant dedans y a que des sweats des jeans du gris du noir des caleçons identiques des chaussettes identiques j'efface ce que j'ai écrit ces derniers jours trop cynique incarné je suis plus en colère contre le monde contre toi mais des fois mes mots l'oublient, les réflexes au bout des doigts et parfois ils s'échappent chauffage à fond même s'il fait pas encore froid et dans les rues j'étouffe en sweat quand les autres portent leurs manteaux d'hiver de mi-saison je vis dans une ville sans automne la pluie glace le sang toute l'année l'été indien m'avait manqué.
Les murs de la douche couverts de crasse orange marron je sais pas trop et la bonde est bouchée ma cup que je peux pas laver correctement et j'y renonce surtout rien toucher quand je pense au confort à la stabilité y a pas grand chose que j'envie mais l'hygiène en fait partie trop maniaque pour vivre dans ma valise trop tard pour rester en place pas bouger tout ça j'en rêvais avant toi avec toi l'après est plus flou et si tu lis fugue tu le sais mieux que moi on écrit toujours sans la distance dans le moment présent c'est qu'après qu'on réalise les prophéties l'inquiétante étrangeté des mots qu'on pensait sans comprendre assimiler métaboliser les ronflements de l'homme du dessous on dirait un marteau piqueur le bruit blanc qui joue à fond dans mon casque blanc Bose le même que j'ai pas quitté une minute en trois ans même pas dans les clubs même pas avec les gens sauf pour dormir et encore pas quand je suis pas chez moi.
Je me demande quand le voyage a commencé, vraiment, si c'était cette nuit d'hiver il y a sept ans dans un bar avec cet homme letton qui deviendra toi un peu plus tard mais qui alors était juste lui, mon déménagement à Paris dans ce 35m2 en colocation rue Daguerre où je vivrais jusqu'à quitter la ville, à Montréal dans cette chambre partagée avec une étudiante en économie dans un hôtel de luxe transformé en résidence étudiante ou alors plus tard en revenant après le COVIC et la rue Ontario E., N. et le salon de massage/prostitution trans sous l'appart les bières du Cheval Blanc les cafés à emporter à l'angle de la rue, le shop de "Tatouages Artistiques" où j'ai jamais été même en étant bourré Copenhague en summer school le premier été d'une longue série où je pensais que tu me rejoindrais parce que j'étais proche où ça s'est pas produit, ou peut-être que le voyage est ailleurs plus vieux plus triste ontologique l'impression d'être né dans le mauvais corps la mauvaise ville de pas parler la bonne langue la peur d'être coincé pour toujours au 32 rue du Général de Gaulle pas loin de la boucherie et du pâtissier qui avait tabassé mon frère avec un bâton parce qu'il avait cherché sa fille, J., le jus de pomme qu'on faisait avec les pommes pourries dans l'arrière-cour et l'alcoolisme l'inceste la violence en arrière-plan on savait jamais qui ça touchait comment on savait juste que c'était là comme l'odeur des rats morts qu'on retrouvait dans ma cave là où mon frère cachait la nourriture que mes parents lui faisaient manger de force la technique de l'entonnoir comme on gave les oies et je mange tout ce qu'on me donne sans réfléchir je me demande pas si j'aime personne me fera jamais subir ça, et peut-être que je suis parti pour mon frère et les vies qu'il aura jamais les traumas qui sont trop durs insidieux c'est pas moi qui devrait être là écrire ça c'est B.
> 6:53 PM
L'Europe de l'Est en hiver et quelque chose me serre la gorge personne est vraiment positif et c'est quoi le future dans ma première auberge même l'américain qui voyageait était là parce qu'il venait de perdre son job né en Chine et la politique de Trump lui permettait plus de travailler ces sex workers digital nomades du monde entier mais surtout d'Ukraine d'Amérique du Sud de Biélorussie les femmes âgées qui travaillent tard et les hommes prêts à accepter n'importe quel job qui doivent cacher leur accent la Lituanie vient de fermer sa frontière avec la Biélorussie et les prix sont trop hauts pour que les choses restent stables plus vraiment de jobs trop de demandes les panneaux publicitaires qui poussent à la consommation mais qui peut acheter et l'écart se creuse l'IA remplace les jobs et les humains comme couteaux suisses qui s'adaptent trop vite mais c'est a double-tranchant si t'es trop performant trop polyvalent alors tu deviens encore plus remplaçables et les carrières qui demandaient le plus d'études disparaissent elles seront remplacées oui mais quand et qu'est-ce qu'on fait pendant ce temps je sais que ça te stresse et ça me stresse aussi et ça impacte ta vie je sais pas à quel point et peut-être que c'est pour ça que je suis la comprendre l'angoisse dont tu parles pas les temps qui changent et tes proches de plus en plus pauvres l'étau qui se resserre autour de toi et de tous tes mensonges c'est le plus fort tu m'as toujours protégé mais je veux pas être protégé je voulais traverser les temps avec toi ça sert à quoi d'être safe quand ton monde s'écroule et de vivre dans le luxe quand les produits du quotidien deviennent inaccessibles si t'exploses pas la bulle je le ferais moi-même, c'est une chose de passer nos vies séparées mais j'évoluerais pas d'une manière que tu peux pas te permettre.
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